(Montréal) Contrairement à ce que l’on croyait jusqu’à présent, le système immunitaire des enfants souffrant d’une leucémie aiguë lymphoblastique combat vigoureusement la maladie, croient des chercheurs américains.

La leucémie aiguë lymphoblastique est le cancer pédiatrique le plus courant, et cette découverte ouvre la porte au développement de nouvelles stratégies d’immunothérapie pour l’affronter.

L’immunothérapie s’est jusqu’à présent révélée moins efficace face aux cancers pédiatriques, une situation que les experts attribuaient à l’incapacité présumée du système immunitaire à reconnaître et attaquer des tumeurs présentant moins de mutations que les tumeurs adultes. Des travaux réalisés par l’hôpital pédiatrique St. Jude pourraient toutefois chambouler cette hypothèse.

Les chercheurs ont identifié certaines cellules immunitaires spécialisées dans la destruction des tumeurs qui pourraient être en mesure de reconnaître 86 % des mutations spécifiques à la leucémie aiguë lymphoblastique pédiatrique, et plus spécifiquement 68 % des cellules leucémiques.

Il s’agit d’une étude « très intéressante qui soulève beaucoup de questions », a estimé le docteur Claude Perreault, de l’Institut de recherche en immunologie et cancérologie affilié à l’Université de Montréal, mais qui comporte toutefois une limitation importante : rien de tout ça n’a été démontré in vivo chez un patient, et ces conclusions découlent uniquement d’analyses effectuées par des algorithmes informatiques.

« On ne peut pas s’empêcher d’être sceptique parce que toute leur présentation repose sur des arguments indirects, a-t-il dit. Mais ils en ont suffisamment pour qu’on se dise qu’on va devoir utiliser la méthode qu’ils ont développée dans d’autres cancers, mais dans celui-là aussi. »

L’impact exact de cette découverte reste à voir, ajoute le docteur Perreault, mais il estime qu’elle est « suffisamment révolutionnaire » pour que d’autres chercheurs tentent de reproduire les résultats.

En attendant, si les chercheurs américains ont raison, on peut supposer que le système immunitaire des enfants atteints d’une leucémie aiguë lymphoblastique combat bel et bien la maladie, mais que cette contre-attaque était jusqu’à présent passée inaperçue.

On pourrait alors envisager d’administrer à ces enfants des « inhibiteurs de point de contrôle immunitaire », à savoir des médicaments qui sont capables d’amplifier les réponses immunitaires en cours chez un individu.

« Donc ça voudrait dire que des enfants avec des leucémies, si on leur administrait [ces médicaments], ça devrait les aider à éliminer les cellules leucémiques », a expliqué le docteur Perreault.

La suite logique de cette étude pourrait d’ailleurs être d’évaluer l’efficacité clinique de ces médicaments chez les enfants atteints d’une leucémie, croit-il. Une telle étude serait tellement simple à réaliser qu’il n’est pas du tout impossible qu’elle soit déjà en cours, selon lui.

L’argument en faveur d’une absence de réponse immunitaire n’a jamais été très robuste : les chercheurs supposaient, en théorie, qu’elle n’existait pas parce que, contrairement aux cancers chez les adultes, les leucémies chez les enfants présentent beaucoup moins de mutations de l’ADN. Puisque seule une partie de ces mutations peut être détectée par le système immunitaire, on concluait que le système immunitaire ne les voyait pas.

« Ce n’est pas un argument fort et ça ne me convainc pas, a dit le docteur Perreault. Je suis prêt volontiers à accepter que les enfants puissent réagir contre leur leucémie. C’est très possible. »

Les conclusions de cette étude sont publiées par le journal médical Science Translational Medicine.