Des milliers de Québécois souffrant de diabète de type 1 doivent gérer leur maladie avec les moyens du bord, faute de financement public des pompes à insuline. Ces appareils très coûteux sont remboursés par l’assurance maladie dans plusieurs autres provinces, dont l’Ontario.

« Si on a un diagnostic de diabète de type 1 avant 18 ans, la RAMQ rembourse les pompes pour le restant de la vie », explique Rémi Rabasa-Lhoret, endocrinologue à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM). « Mais à partir de 18 ans, ce n’est pas le cas. C’est un problème, parce que la maladie apparaît de plus en plus souvent au début de l’âge adulte, pour des raisons qu’on s’explique mal. »

La proportion des diagnostics de diabète de type 1 qui surviennent après 18 ans est passée de 20 % à 50 % en 20 ans, selon ce chercheur de l’IRCM. « Plusieurs patients qui n’ont pas d’assurances privées doivent acheter des pompes de seconde main », précise-t-il. Les pompes remplacent les seringues avec lesquelles les patients s’injectent traditionnellement de l’insuline.

Une pompe neuve coûte 7000 $. Les assurances privées autorisent son remplacement après un certain temps, souvent quatre ans, selon le DRabasa-Lhoret. « Ceux qui remplacent leur pompe revendent parfois l’ancienne. On peut en trouver pour 1000 $ à 1500 $. Il y a aussi le problème des assurances privées qui se terminent quand on prend sa retraite. J’ai des patients à la retraite qui prient pour que leur pompe ne brise pas. »

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’INSTITUT DE RECHERCHES CLINIQUES DE MONTRÉAL

Le DRémi Rabasa-Lhoret, endocrinologue à l’Institut de recherches cliniques de Montréal

Autre souci : on ne peut pas se servir du logiciel du fabricant de la pompe si on a acheté la pompe de seconde main. Les patients utilisent alors « des logiciels libres [open source] », précise le DRabasa-Lhoret, mais ils ont de la difficulté à trouver des endocrinologues qui acceptent de les suivre. « Beaucoup de mes collègues sont inquiets pour leur responsabilité professionnelle, parce que ces logiciels libres ne sont pas homologués par Santé Canada, dit le Dr Rabasa-Lhoret. Je suis l’un des seuls à Montréal [à prendre ces patients]. »

« Ça me donne beaucoup plus de liberté pour mes activités »

Ingrid Fontes, une jeune maman dans la trentaine qui travaille en administration dans un hôpital, est l’une des patientes du DRabasa-Lhoret qui utilise un logiciel libre, même si elle a des assurances privées. « Le logiciel fait le lien entre la pompe et le capteur de glycémie, dit-elle. Ça me donne beaucoup plus de liberté pour mes activités. » Mme Fontes fait de la course à pied – elle a notamment couru un marathon.

  • Pour recharger sa pompe, Ingrid Fontes prend d’abord de l’insuline dans une fiole.

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Pour recharger sa pompe, Ingrid Fontes prend d’abord de l’insuline dans une fiole.

  • Elle met ensuite l’insuline dans la pompe.

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Elle met ensuite l’insuline dans la pompe.

  • Pour enlever les bulles d’air dans la pompe, Ingrid Fontes doit l’activer avec le logiciel sur son téléphone.

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Pour enlever les bulles d’air dans la pompe, Ingrid Fontes doit l’activer avec le logiciel sur son téléphone.

  • Ingrid Fontes remet la pompe à insuline rechargée sur son bras.

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Ingrid Fontes remet la pompe à insuline rechargée sur son bras.

  • À droite, on peut voir l’appareil avec le logiciel du fabricant, qu’Ingrid Fontes n’utilise pas parce qu’elle préfère le logiciel libre.

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    À droite, on peut voir l’appareil avec le logiciel du fabricant, qu’Ingrid Fontes n’utilise pas parce qu’elle préfère le logiciel libre.

1/5
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

En septembre, l’Association diabète Québec a réclamé que les pompes soient financées pour les adultes atteints du diabète de type 1, une maladie auto-immune qui entrave la production d’insuline.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, s’est limité à dire que le dossier était étudié, citant les sommes « importantes » impliquées.

C’est depuis 2011 que les pompes à insuline sont financées pour les gens qui ont un diagnostic de diabète de type 1 avant 18 ans. En 2022, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a recommandé que cela soit le cas pour les diagnostics reçus à l’âge adulte aussi.

Espérance de vie allongée

Le financement pour tous les cas de diabète de type 1 pourrait-il ouvrir la porte à un financement pour le diabète de type 2, neuf fois plus fréquent ? « Non, parce qu’on peut bien contrôler le diabète de type 2 avec les médicaments », dit le DRabasa-Lhoret. Le diabète de type 2, dont un facteur de risque est l’obésité, est dû à une mauvaise utilisation de l’insuline par le corps.

Les pompes à insuline ne sont pas non plus remboursées pour le diabète de grossesse.

L’espérance de vie en bonne santé des diabétiques a augmenté de 10 ans grâce aux systèmes liant par logiciel les pompes à des capteurs de glycémie, selon le DRabasa-Lhoret. « Avec des injections par le patient, il doit prendre de 200 à 300 décisions par jour liées à la gestion de son diabète. Mais avec ce système, ça baisse à 20 à 30 décisions par jour. » Cette maladie peut causer des dommages aux yeux, aux nerfs, aux reins et au cerveau, en plus de chutes et de fractures.

En savoir plus
  • 10 %
    Proportion des cas de diabète qui sont de type 1
    SOURCE : Diabète Québec
    1,2 million
    Nombre de Québécois qui souffrent du diabète de types 1 et 2
    SOURCE : Diabète Québec