Dix médecins de Roberval et d’Alma, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, ont remporté une manche dans la saga judiciaire les opposant à une inspectrice de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). En cause dans cette victoire, le protocole d’inspection de la RAMQ.

Ces dix médecins spécialistes liés à deux cliniques du Saguenay–Lac-Saint-Jean se sont fait reprocher d’avoir contrevenu à une loi sur l’affichage, selon un jugement rendu par la Cour du Québec le 7 juillet dernier.

Dans l’une des cliniques, les frais pouvant être réclamés à une personne assurée n’étaient pas affichés dans la salle d’attente.

Dans la deuxième clinique, il n’était pas clairement indiqué qu’un patient pouvait réclamer le remboursement des frais.

En vertu de la Loi sur l’assurance maladie, chaque médecin s’est vu imposer une amende de 2500 $ plus les frais (soit 3750 $). Mais selon ceux-ci, la façon dont l’inspection a été menée n’a pas respecté leurs droits fondamentaux, comme le droit au silence, à un avocat ou à la vie privée.

Les médecins ont donc demandé que la preuve contre eux, c’est-à-dire le témoignage de l’inspectrice de la RAMQ, soit retirée. Le juge Pierre Lortie, de la Cour du Québec, leur a finalement donné raison.

Inspecter ou enquêter ?

Ce jugement remet en question la façon dont la RAMQ mène ses inspections, qui peuvent déboucher sur des poursuites pénales. Or, à ce sujet, de la jurisprudence existe au Canada.

En effet, en se présentant comme une inspectrice, l’employée de la RAMQ obligeait les médecins à collaborer de façon raisonnable. Seule une des dix médecins a signé un avis où elle ne se prévalait pas de son droit à un avocat. Or, les poursuites subséquentes sont bel et bien menées par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).

Selon le juge Lortie, « il ressort de la preuve que l’objectif prédominant des visites aux deux cliniques était de recueillir de la preuve pour une éventuelle poursuite pénale ». Dans les circonstances, l’approche de l’inspectrice ne respectait pas certains droits.

Le juge Lortie relève le flou entre une inspection qui permet de recueillir des éléments de preuve menant à des poursuites, et une perquisition. Or, une perquisition ne peut être effectuée sans mandat, « sauf si le responsable des lieux [y] consent ou s’il y a urgence », rappelle-t-il.

Le juge observe aussi le manque de formation ou de connaissances suffisantes de la part de l’inspectrice en matière juridique ou de la Charte canadienne des droits et libertés.

S’il rejette la preuve (c’est-à-dire le témoignage de l’inspectrice), le juge Lortie considère néanmoins qu’une décision doit être rendue sur le fond de l’affaire.