Des spécialistes en médecine interne s’inquiètent de la fermeture de nombreux lits en soins intensifs en ce début d’été. Ils craignent que la situation entraîne des ruptures de service dans plusieurs hôpitaux de la province.

« Depuis des mois, de 15 à 20 % des lits de soins intensifs sont fermés principalement par pénurie de personnel. À ça s’ajoute la fermeture de lits supplémentaires pendant l’été », souligne d’emblée le président de l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec (ASMIQ), le DPierre McCabe.

Les hôpitaux situés dans les grandes villes sont équipés de 20 à 30 lits de soins intensifs, tandis que ceux des régions en ont généralement une dizaine, dit le DMcCabe. « Si on en ampute deux, quatre ou six, le fonctionnement de tout l’hôpital est perturbé. »

Ces dernières années, plusieurs établissements ont également opté pour la fermeture totale de leurs unités de soins intensifs. C’est le cas notamment de l’hôpital de Lachine à Montréal et de l’hôpital de La Tuque, indique le président.

« Ça implique que les patients qui ont besoin de soins intensifs doivent être transférés dans un autre centre de la même région. On parle parfois d’un trajet routier de 90 minutes, donc ça peut mettre en péril les patients. »

Des impacts sur le reste du réseau

Le DMcCabe craint que la situation précaire aux soins intensifs augmente la pression ailleurs dans le réseau. « Les soins intensifs, c’est comme le moteur dans l’hôpital. C’est ce qui libère l’urgence de ses cas les plus lourds et c’est ce qui permet de sortir des étages les patients les plus malades. »

Les conséquences de ces fermetures de lits pourraient être considérables sur les services d’urgence et le rattrapage des interventions chirurgicales, estime le DMcCabe.

« Quand des lits sont fermés aux soins intensifs, l’urgence est souvent une des premières appelées en renfort », renchérit le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le DGilbert Boucher.

« On se retrouve malheureusement avec des patients intubés à l’urgence pendant de nombreuses heures. On doit s’occuper de patients très malades, comme des chocs septiques », explique-t-il.

Relégués au second plan

L’été est traditionnellement marqué par une diminution des effectifs médicaux dans les centres hospitaliers.

Il y a déjà un problème sur la fluidité des lits et ça va être pire pendant l’été avec la fermeture supplémentaire de lits et la pénurie de personnel.

Le Dr Pierre McCabe, président de l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec (ASMIQ)

Il recommande aux établissements de suivre attentivement la situation. « Il faut qu’ils soient bien au courant des enjeux que ça peut avoir dans le réseau de fermer des lits de soins intensifs », dit-il.

Il insiste également sur la nécessité de reconnaître l’expertise du personnel travaillant dans ces unités et de valoriser leur pratique. Il estime par ailleurs que les soins intensifs sont souvent relégués au second plan. « C’est un peu un angle mort, on parle beaucoup des urgences et des chirurgies, mais peu des soins intensifs. »

1000 patients de moins

Les services d’urgence ne subissent pas encore les répercussions de la diminution du nombre de lits disponibles, soutient le DGilbert Boucher. Le 19 juin, le nombre de patients se rendant aux urgences s’élevait à 9128, soit environ 1000 patients de moins par rapport à la même période de l’année dernière.

« Ça va quand même bien. Ce n’est pas tranquille, mais il n’y a pas un surplus d’achalandage. Les choses se maintiennent », note-t-il. En ce moment, les patients les plus malades sont pris en charge adéquatement, ajoute-t-il.

Il se dit également plus confiant que l’été dernier. « S’il n’y a pas de virus ou de gros évènement qui se passe, on entrevoit l’été de manière sereine. » Il déplore toutefois qu’un millier de Québécois repartent chaque jour sans avoir vu de médecin. « C’est toujours désolant de les voir attendre 15 ou 20 heures et partir sans en voir un. »

De son côté, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a déclaré mercredi qu’une réduction de services est à prévoir pendant l’été aux urgences en raison de la pénurie de personnel.

Lisez l’article « Pénurie de personnel : des urgences en réduction de services pour l’été »