(Montréal) L’accélération rapide des connaissances scientifiques en matière de cellules souches et de médecine régénérative laisse croire que la dépendance à l’insuline puisse un jour être chose du passé pour les patients atteints de diabète de type 1.

Parmi les chercheurs qui veulent se positionner en tête de file dans la quête d’une cure à cette maladie auto-immune, on retrouve Yasaman Aghazadeh. Tout juste arrivée à l’Institut de recherche clinique de Montréal (IRCM), elle va diriger la nouvelle Unité de recherche en médecine régénérative pour le diabète.

« Le diabète est une épidémie, particulièrement au Canada. Un Canadien sur quatre est diabétique ou prédiabétique, ce qui n’est pas particulièrement positif », souligne-t-elle en entrevue à l’occasion d’une visite de La Presse Canadienne dans les locaux de son nouveau laboratoire.

Détentrice d’un doctorat en médecine expérimentale de l’Université McGill, elle mène depuis huit ans déjà des travaux sur la régénération de tissus du pancréas à partir de cellules souches. Des recherches entreprises à l’Institut de cellules souches McEwen de Toronto.

Alors qu’elle aspirait à diriger son propre labo, Mme Aghazadeh révèle avoir ciblé l’IRCM en raison du bouillonnement de la recherche sur le diabète à Montréal.

« L’IRCM est un leader dans la recherche sur le diabète et le métabolisme. Il y a de fantastiques chercheurs et cliniciens ici qui collaborent très bien ensemble », poursuit-elle.

Par ailleurs, comme plusieurs travaux portent sur le diabète de type 2, elle croit pouvoir faire sa niche en s’intéressant au type 1.

Lorsque tout fonctionne normalement, ce sont les cellules bêta, à l’intérieur du pancréas, qui produisent l’insuline permettant au corps de réguler le taux de sucre dans le sang. Chez les patients atteints de diabète de type 1, le système immunitaire s’attaque aux cellules bêta, les empêchant ainsi de jouer leur rôle.

Actuellement, on arrive à contrôler les effets de cette maladie par des injections régulières d’insuline. Or, ce traitement s’avère lourd à long terme pour les gens qui doivent le respecter rigoureusement toute leur vie.

Un autre type de traitement a été récemment développé à Edmonton. Il consiste en une greffe d’îlots de Langerhans, un groupe de cellules qui inclut les cellules bêta.

Bien que prometteur, ce traitement est limité par un trop faible nombre de donneurs. De plus, comme le diabète de type 1 est une maladie auto-immune, le patient doit subir un traitement immunosuppresseur avant la greffe. Un protocole qui comporte des risques élevés d’effets secondaires et qui s’avère difficile pour les patients.

Comme si ce n’était pas suffisant, un autre problème de taille se dresse, celui de la survie des cellules fabriquées en laboratoire. Comme elles ne disposent pas de réseau vasculaire, elles ne peuvent pas intégrer l’organisme humain.

C’est précisément chacun de ces défis qu’espère relever Yasaman Aghazadeh et son équipe composée au départ d’un assistant de recherche et d’une étudiante au doctorat.

Au cours des prochaines années, la chercheuse souhaite parvenir à recréer des tissus pancréatiques complexes, dotés de réseaux vasculaires, et surtout démystifier tout le fonctionnement cellulaire du pancréas.

« On veut que la composition de ces tissus soit la plus identique possible à celle des tissus humains », résume-t-elle depuis ses locaux qui attendent toujours d’être aménagés.

Pour y parvenir, la chercheuse veut commencer aux premiers instants de la vie et observer attentivement le processus de développement des tissus.

« On ne veut pas uniquement recréer un pancréas, mais comprendre chacune de ses composantes », insiste celle que ses collègues surnomment « Yassie ».

Téhéran-Montréal-Toronto

Après avoir décroché un baccalauréat à l’Université de Téhéran, en Iran, Mme Aghazadeh a rejoint le laboratoire du Dr Vassilios Papadopoulos au programme de médecine expérimentale de l’Université McGill.

Elle y obtiendra une maîtrise et un doctorat en participant à des travaux sur la production hormonale et les voies de signalisation cellulaires. Elle s’intéresse alors plus particulièrement aux hormones produites par les glandes surrénales et les testicules.

À travers ces recherches, son équipe parvient à développer un traitement pour stimuler la production d’hormones. Cette découverte brevetée ferait d’ailleurs l’objet d’un médicament en développement aux États-Unis.

Parallèlement à ces démarches, puisque son labo avait désespérément besoin de tissus humains pour mener ses expérimentations, Yasaman Aghazadeh a mis sur pied une cohorte d’étudiants chargée de fabriquer des tissus humains à partir de cellules souches.

« Je me suis alors découvert un intérêt beaucoup plus fort pour les cellules souches que pour le développement de médicaments, confie-t-elle. Alors j’ai cherché des laboratoires qui travaillaient là-dessus à temps plein. »

Ainsi, « Yassie » est partie pour Toronto, où elle a rejoint l’Institut McEwan. C’est là qu’elle a entrepris sa quête de produire des tissus pancréatiques à partir de cellules souches.

Si elle parvient à ses fins, Yasaman Aghazadeh pourrait éventuellement voir son travail se transformer en étude clinique et possiblement changer la vie de millions de personnes.

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