Jusqu’ici, 68 personnes aux États-Unis ont été infectées par une souche rare d’une bactérie qui a tué trois personnes et qui a fait perdre la vue à au moins cinq autres. L’hypothèse avancée par les autorités de santé : des larmes artificielles pour les yeux qui pourraient être contaminées par une souche encore jamais rapportée aux États-Unis de la bactérie Pseudomonas aeruginosa.

Produites en Inde, les larmes artificielles EzriCare et la pommade ophtalmique Delsam Pharma ont été retirées des tablettes aux États-Unis. Elles n’auraient pas été distribuées au Canada.

Le 20 janvier 2023, les Centres américains pour le contrôle des maladies (CDC) ont annoncé la tenue d’une enquête sur la contamination de gouttes oculaires par Pseudomonas aeruginosa. « L’épidémiologie récente et des preuves en laboratoire établissent un lien avec l’utilisation des larmes artificielles EzriCare », est-il écrit dans le communiqué.

Les CDC ont alors recommandé aux médecins et aux patients de cesser sur-le-champ de les prescrire ou de les utiliser.

Le 24 février, l’entreprise Global Pharma a annoncé procéder au rappel volontaire d’un lot de pommade ophtalmique vendue sous la marque Delsam Pharma « en raison d’une contamination microbienne possible » et d’un empaquetage déficient, dit le communiqué.

Depuis le début de mars, deux autres entreprises, Apotex et Pharmadica, ont à leur tour procédé à des rappels volontaires de lots de leurs propres produits oculaires – respectivement Brimonidine Tartrate Ophtalmic Solution et Purely Soothing. Pharmadica l’a justifié par le fait que certains lots pourraient ne pas être stériles ; Apotex a évoqué des fissures dans certaines bouteilles.

Le 21 mars, évoquant les produits EzriCare et Delsam Pharma, les CDC ont annoncé que 68 personnes issues de 16 États ont été contaminées, parmi lesquelles trois sont mortes et quatre ont dû se faire retirer le globe oculaire.

Souche multirésistante

Le DDonald Vinh, microbiologiste-infectiologue au Centre universitaire de santé McGill, explique que la bactérie Pseudomonas aeruginosa est présente dans tous les pays. Ce qui inquiète ici, « c’est que la souche en question est multirésistante aux antibiotiques ».

Des souches multirésistantes aux antibiotiques « apparaissent régulièrement en infectiologie, mais nous en sommes toujours inquiets », a ajouté le DVinh.

La tragédie survenue aux États-Unis rappelle à quel point il est important d’être précautionneux lors de soins qui paraissent banals, aussi bien pour les yeux (mal protégés par le système immunitaire, explique le DVinh) que lorsqu’on se fait un rinçage de sinus par exemple (qu’il ne faut pas faire avec de l’eau du robinet).

Dans un commentaire publié cette semaine dans le Journal of American Medical Association (JAMA), les docteurs Christina R. Prescott et Kathryn A. Colby relèvent que de tous les médicaments qu’ils prescrivent ou de tous les soins qu’ils prodiguent, les larmes artificielles « sont généralement considérées comme bénignes ».

Leur efficacité « est souvent source de débat, mais jusqu’à récemment, peu d’ophtalmologistes avaient des inquiétudes quant à leur sécurité ».

« Les fabricants de larmes artificielles ne sont pas tenus d’effectuer des essais cliniques pour commercialiser leurs produits s’ils suivent les lignes directrices de la monographie de la Food and Drug Administration sur les produits pharmaceutiques ophtalmiques en vente libre, ce qui peut signifier qu’il y ait moins de surveillance de leur qualité », écrivent-elles.

Elles concluent : « La situation actuelle est un rappel tangible que tout type de goutte pour les yeux peut avoir des effets indésirables. »