(Québec) Pour la deuxième fois depuis sa réélection il y a quatre mois, le premier ministre François Legault se dit à la recherche de moyens pour mobiliser les Québécois afin d’augmenter son rapport de force avec Ottawa. Il évoque la tenue d’une commission spéciale sur le « déséquilibre fiscal », bien que le fédéralisme reste « avantageux » financièrement pour le Québec selon lui.

Dès le lendemain de sa victoire, le 4 octobre, François Legault exprimait son intention de faire « mousser » sa demande à Ottawa pour obtenir plus de pouvoirs en matière d’immigration et « arrêter le déclin du français » en mobilisant les Québécois autour de cet enjeu. Il n’écartait aucun scénario comme la tenue d’États généraux ou d’une commission de style Bélanger-Campeau. En campagne électorale, il n’excluait pas un référendum sectoriel.

Mardi, M. Legault s’est dit en réflexion sur des moyens pour faire plier Ottawa, cette fois au sujet du financement des soins de santé. Là encore, il a évoqué la tenue d’une commission spéciale en rappelant la commission Séguin sur le déséquilibre fiscal du début des années 2000. Il n’a pas écarté le recours à un référendum sectoriel même si son gouvernement « n’en est pas là » pour l’instant.

François Legault et les autres premiers ministres des provinces ont accepté l’offre « insuffisante » d’Ottawa de 46,2 milliards de dollars en dix ans – un sixième de leur demande. Québec touchera environ neuf milliards au cours de la prochaine décennie. Accusé par l’opposition d’être résigné, M. Legault a répliqué que l’enjeu du financement des soins de santé « n’est pas réglé pantoute » et qu’il veut continuer de réclamer davantage d’argent.

« Ça n’a pas de bon sens » selon lui que le fédéral touche près de la moitié des impôts payés par les Québécois et ne finance qu’environ le quart des dépenses en santé. Il y voit un « problème structurel ». Et pour le régler un jour, il faudra mobiliser les Québécois, a-t-il expliqué lors d’un point de presse mardi.

« On voit de toute évidence qu’il y a un déséquilibre fiscal. Il faut trouver un moyen de sensibiliser la population pour mettre de la pression politique sur le fédéral », a-t-il soutenu.

Dans les sondages, « la population dit que la santé, c’est une priorité. Mais comment on peut accepter qu’on envoie presque la moitié de nos impôts à Ottawa mais qu’il finance seulement le quart de la santé ? Il y a un problème ». Selon lui, « il va falloir se pencher sur comment on en fait une priorité ».

Comme les autres premiers ministres, François Legault a mené une campagne depuis 2020 pour convaincre Ottawa d’augmenter de 28 milliards par année les transferts en santé. S’il n’a pas obtenu gain de cause, c’est parce que Justin Trudeau a « profité de la complexité » du dossier selon lui. « Écoutez, un milliard, 10 milliards, 100 milliards, 200 milliards… La valse des milliards, c’est compliqué à expliquer. » Sans conclure que le Conseil de la fédération est un échec, il soutient que les premiers ministres ont fait le constat qu’« il n’y a pas cette pression » sur Ottawa.

La semaine dernière, il appelait les Québécois à se souvenir de l’offre insuffisante du gouvernement Trudeau lors des prochaines élections fédérales.

« Il va falloir se pencher sur comment on en fait une priorité. Évidemment, rappelons-nous la dernière élection fédérale. Pendant l’élection, j’avais dit que M. Trudeau n’était pas ouvert ni à augmenter les transferts en santé ni à nous donner plus de pouvoirs en immigration. Malgré cela, il est allé chercher une trentaine de députés. Il y a du travail à faire », a-t-il reconnu.

Inscrire l’enjeu des transferts en santé parmi les priorités du prochain scrutin sera « un gros défi ». Idem pour ce qui est de dossiers de l’immigration et du français, a-t-il précisé, réitérant que son gouvernement devra faire des efforts pour mobiliser les Québécois.

S’il déplore l’existence déséquilibre fiscal, François Legault réitère que le fédéralisme « est avantageux pour l’instant » d’un point de vue financier. « On reçoit [du fédéral] 10 milliards de plus que ce qu’on envoie », a-t-il plaidé, décochant une flèche en direction du chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon qui, selon lui, aura du mal à « boucher ce trou » dans son budget d’un Québec souverain qui sera déposé bientôt. Il « trouve ça court » de proposer un référendum sur la souveraineté pour régler les différends avec Ottawa.

Pour le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, François Legault a fait preuve de « résignation » dans le dossier des transferts en santé.

Le premier ministre a encaissé « un échec qui creuse un trou de cinq milliards de dollars dans le budget du Québec », a commenté de son côté la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, considère lui aussi que François Legault manque de combativité face à Ottawa. « Tout ce qu’il nous offre, c’est quelques jours où il est fâché pour ensuite essayer d’enterrer ces questions-là comme si elles n’avaient pas eu lieu », a-t-il lâché, ajoutant que cet épisode montre que le Conseil de la fédération est inefficace. L’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une motion déposée par le PQ et affirmant entre autres que « le cadre canadien actuel et son déséquilibre fiscal placent le Québec dans une situation difficile d’un point de vue financier ».