Le Québec enregistre plus de décès que prévu depuis le début de l’été 2022, un long épisode de surmortalité qui pourrait être dû à la baisse des restrictions liées à la COVID-19 et à la multiplication des virus.

Après plusieurs épisodes de fortes hausses et de baisses liées aux vagues de COVID-19, une tendance stagnante de surmortalité se fait sentir depuis juillet au Québec.

Au cours des 20 dernières semaines, la province a déploré 2037 morts de plus que prévu. C’est davantage que le bilan de 1536 décès supplémentaires enregistrés durant les six semaines qu’a duré la vague Omicron, l’hiver dernier.

« On regarde notamment ce qui se passe du côté de la COVID-19. Il y a eu une vague en juillet et les décès liés au virus se sont maintenus de manière assez régulière depuis ce moment-là », explique Frédéric Fleury-Payeur, démographe pour l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).

Multiplication des virus

Outre la pandémie, la multiplication des virus cet automne pourrait contribuer à la hausse des décès. Le virus respiratoire syncytial (VRS) et l’influenza pourraient aussi avoir un impact sur le taux de surmortalité.

On n’a pas encore beaucoup d’analyses spécifiques, mais on observe une montée importante de la circulation de certains virus respiratoires, notamment le VRS.

La Dre Rodica Gilca, analyste pour l’Institut national de santé publique du Québec

« La grippe commence elle aussi à monter, ce qui est inhabituel puisqu’on l’observe normalement en décembre. Les circonstances ont fait que ces virus se sont concentrés à cette période », ajoute la Dre Rodica Gilca, analyste pour l’Institut national de santé publique du Québec.

Comment expliquer cette concentration inhabituelle des virus ? Parmi les hypothèses, la Dre Gilca en désigne une plus spécifiquement : les mesures sanitaires instaurées durant la pandémie auraient permis d’éviter la propagation des habituelles maladies hivernales. « Les virus attendaient qu’on leur ouvre la porte pour qu’ils se propagent dans la population […] Les gens sont plus souvent dans des situations où les virus se transmettent maintenant », explique-t-elle.

« Un phénomène nouveau »

Ce long épisode de surmortalité n’est pas unique au Québec, plusieurs États vivant une situation semblable actuellement. « D’autres pays sont concernés, notamment la Corée qui avait été relativement épargnée depuis le début de la pandémie […] Le taux de l’Australie, qui avait aussi été relativement épargnée, fluctue autour de 15 % depuis le début de l’année. Dans la plupart des pays présentés dans nos courbes, on observe un phénomène comparable au Québec », note Frédéric Fleury-Payeur.

Historiquement en revanche, ce phénomène serait plus exceptionnel.

On peut dire que cette situation de surmortalité moyenne, mais soutenue, se distingue des autres épisodes de surmortalité observés depuis le début de la pandémie. Les pics des épisodes de surmortalité précédents étaient plus élevés, mais plus courts.

Frédéric Fleury-Payeur, démographe pour l’Institut de la statistique du Québec (ISQ)

« C’est un phénomène nouveau. On est vraiment surpris de tous les changements que l’on voit sur le plan des comportements des virus. C’est difficile de prévoir ce qui vient. Mais il faudra sûrement plusieurs années avant de revenir à un équilibre écologique entre les virus », analyse quant à elle la Dre Rodica Gilca.

Personnes âgées

Bien que les jeunes soient durement touchés par la multiplication des virus actuellement, bonne nouvelle, les données de l’ISQ ne montrent aucune surmortalité chez eux. Le long épisode touche principalement les Québécois plus âgés. Selon les courbes de l’ISQ, le taux de surmortalité chez les personnes de moins de 50 ans est de - 4,8 % depuis le début de l’été, contre 9 % chez les personnes de plus de 70 ans. « Pour l’instant, ça reste une surmortalité concentrée chez les personnes plus âgées », explique le démographe Frédéric Fleury-Payeur. « Les virus contribuent très peu aux décès chez les jeunes. C’est exceptionnel. Les complications sévères arrivent surtout aux personnes plus âgées. On sait que ces virus peuvent tuer », confirme quant à elle la Dre Gilca.

« Effet moisson »

Toujours selon les données de l’Institut de la statistique du Québec et l’analyse de Frédéric Fleury-Payeur, le taux de surmortalité varie selon les régions. Fortement touchés par la première vague, Montréal et Laval affichent depuis un taux de mortalité inférieur aux prévisions. « Il peut y avoir un effet moisson, un déplacement de mortalité. On ne meurt qu’une seule fois. Les personnes dans cette région, notamment dans les CHSLD, ont été fortement frappées durant la première vague. »

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Frédéric Fleury-Payeur, démographe pour l’Institut de la statistique du Québec (ISQ)

L’effet moisson – ou déplacement de la mortalité – s’explique par la mort prématurée de personnes qui risquaient de mourir dans les mois suivants. Ces décès survenant plus tôt, la surmortalité est plus basse pour les semaines et les mois suivants. Dans le cas de Montréal et Laval, le nombre important de contaminations et de décès durant la première vague a participé à faire baisser le taux de surmortalité par la suite.