Quand Jean Malavoy a été transporté d’urgence à l’hôpital de Hull dans la nuit du 1er au 2 octobre 2020 après avoir chuté dans des escaliers, le seul « scan » de l’établissement était brisé. Le patient de 71 ans a dû être transporté à 12 kilomètres de là, à l’hôpital de Gatineau, pour subir cet examen, avant d’être retourné à Hull pour être opéré d’urgence. Il est cependant décédé quelques heures plus tard, victime d’une rupture de la rate.

Le seul tomodensitogramme (CT scan) de l’hôpital de Hull faisait l’objet de « bris assez fréquents » selon la Dre Josée Bussières, urgentologue à l’hôpital de Hull, qui a témoigné lundi à l’enquête publique du coroner qui se penche sur le décès de M. Malavoy. « Trop fréquents », ajoute l’urgentologue Dre Marie-Noël Labrecque, qui a aussi témoigné lundi. Si bien qu’un plan de contingence avait été établi pour pallier ces pannes. La situation n’était pas récente.

Dès 2017, quatre intensivistes de l’hôpital de Hull écrivaient une lettre à la direction de l’établissement pour mentionner que compte tenu de ces bris, un deuxième « scan » devait d’être acheté. « Je crois qu’un centre comme le nôtre devrait au minimum avoir deux “scans” de tomodensitométrie afin de servir notre population comme elle le devrait et leur offrir ce qui est un standard de pratique », écrivaient les intensivistes. Un deuxième « scan » a été ajouté depuis le décès de M. Malavoy à l’hôpital de Hull, en 2021.

Un défenseur de la culture franco-ontarienne

Les circonstances du décès de M. Malavoy font l’objet d’une enquête du coroner ces jours-ci à Gatineau. Né en France et élevé à Montréal, M. Malavoy a été décrit par sa fille, Isabelle Malavoy-Mundle, comme un « passionné de culture » et un « ardent défenseur de la culture franco-ontarienne ». Il a notamment été directeur général du Muséoparc Vanier, de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario et était père de cinq jeunes adultes.

Le soir du 1er octobre, vers 23 h 30, M. Malavoy a chuté dans les escaliers de la maison de sa fille. Le 911 a été appelé aussitôt. Selon sa fille qui était à ses côtés au moment des évènements, M. Malavoy aura été inconscient quelques instants avant de reprendre ses esprits. Si, au départ, M. Malavoy, qui présentait plusieurs comorbidités, dont des problèmes cardiaques, du diabète et de l’hypertension, semblait dans un état plutôt stable, sa condition s’est détériorée rapidement, a témoigné Mme Malavoy-Mundle. Son père est devenu désorienté. « Il ne se souvenait plus qu’il était tombé », a raconté la fille.

M. Malavoy avait très mal au dos. On apprendra plus tard qu’une côte cassée avait transpercé sa rate et que le patient saignait de l’intérieur.

Les ambulanciers sont arrivés en moins de 15 minutes. M. Malavoy a été transféré à l’hôpital de Hull. Seule médecin à l’hôpital de Hull ce soir-là pour voir les urgences, la Dre Bussières a déterminé que le patient devait subir un « scan ». Mais l’appareil était en panne ce soir-là.

M. Malavoy a donc été envoyé par ambulance à l’hôpital de Gatineau pour passer son « scan ». Là-bas, l’appareil éprouvait aussi des problèmes et a dû être redémarré, ce qui a entraîné des délais supplémentaires de 30 minutes. L’examen révélera que l’homme avait la rate perforée et présentait un saignement interne important. Il devait être opéré d’urgence pour cette condition, a déterminé la Dre Labrecque, qui était de garde aux urgences de l’hôpital de Gatineau. Mais à ce moment, la seule chirurgienne générale dans l’établissement est déjà en salle d’opération. « J’avais une décision rapide à prendre », a témoigné la Dre Labrecque qui a donc décidé qu’il était « dans l’intérêt du patient », même s’il était instable, de le retourner à l’hôpital de Hull, spécialisé dans le traitement des traumas contrairement à l’hôpital de Gatineau. Ce transfert prendra moins de dix minutes.

À son arrivée à l’hôpital de Hull à 2 h 55, M. Malavoy était conscient, mais avait toujours mal au dos et saignait depuis plusieurs heures. La Dre Gabrielle Gauvin a parlé à M. Malavoy et à son épouse. Elle affirme leur avoir expliqué que « même avec l’opération, les possibilités de survie étaient tout de même très faibles », car M. Malavoy souffrait de plusieurs comorbidités. Durant sa chirurgie, M. Malavoy subira un arrêt cardiaque. Il décédera quelques heures plus tard, à 17 h.

La coroner Julie-Kim Godin, qui dirige l’enquête dans ce dossier, a mentionné en ouverture que l’objectif des procédures sera notamment de « comprendre les circonstances de la panne du “scan” » de l’hôpital de Hull. Et remonter le fil des décisions prises, notamment en ce qui concerne les transferts interhospitaliers. Pour Isabelle Malavoy-Mundle, il est clair que son père « aurait voulu que les faits soient révélés et que tous les citoyens de l’Outaouais reçoivent des soins de santé de qualité ».

Les audiences se poursuivront toute la semaine. D’autres témoins seront entendus, dont des dirigeants du Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais.