Le personnel des services préhospitaliers d’urgence de Montréal et de Laval devront se plier à la décision du Tribunal administratif du travail, qui a tranché samedi soir en faveur d’Urgences-santé et ordonné la levée des moyens de pression syndicaux.

Depuis le 11 juillet, quelque 1100 paramédicaux et autres membres du personnel préhospitalier de Montréal et Laval représentés par le Syndicat du préhospitalier FSSS-CSN ont mis en place des moyens de pression pour s’opposer à certaines impositions de l’employeur qui touchent notamment leur temps de repas.

Le Tribunal administratif du travail (TAT) a tranché samedi soir en faveur de l’employeur, Urgences-santé, en indiquant que « l’action concertée des membres du Syndicat porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte au service auquel la population a droit ».

Dimanche, Claude Lamarche, président par intérim du Syndicat du préhospitalier, a indiqué à La Presse ne pas pouvoir commenter avant lundi la décision du tribunal. Il a toutefois assuré que les employés allaient se plier à la décision.

« Ce que je peux vous dire, face à un sondage qui disait que plus de 50 % des gens veulent quitter le milieu [du travail préhospitalier], avec un jugement de la sorte, moi, je suis très inquiet pour le futur », a toutefois souligné M. Lamarche. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, cette décision risque d’avoir « un certain effet », ajoute-t-il.

Le cœur du litige : les Mesures d’action de protection

Au centre des revendications des employés syndiqués se trouvent les Mesures d’action de protection (MAP), imposées par Urgences-santé pour assurer en temps réel un service à la population. L’activation de MAP — de niveaux 1, 2 ou 3 — permet à l’employeur de diminuer, voire de suspendre, les pauses repas du personnel, et de proposer ou d’imposer des quarts de travail supplémentaires.

Les employés paramédicaux ont normalement une pause de 30 minutes pour 8 heures de travail, de 45 minutes pour 10 heures de travail et d’une heure pour 12 heures de travail.

Là où le bât blesse, c’est que les MAP n’ont pas été négociées dans la convention collective et sont donc imposées unilatéralement par Urgences-santé à ses employés. Le premier grief concernant ces mesures remonte à 2016.

Selon Claude Lamarche, Urgences-santé abuse de ces mesures. « On ne peut pas gérer [les appels] comme s’il y avait un écrasement d’un avion 747 tous les jours ! dénonce-t-il. Chez nous, le travail supplémentaire obligatoire est devenu un mode de gestion. Ça ne favorise pas l’attrait de la main-d’œuvre, le sentiment d’appartenance et de vouloir mettre l’épaule à la roue. »

Un climat de travail « tellement mauvais »

Daniel*, un ambulancier qui a demandé l’anonymat par crainte de représailles de la part de son employeur, est outré de la décision du TAT. À sa connaissance, Urgences-santé a été en MAP de niveau 1 tous les jours pendant le dernier mois. Et en MAP de niveau 2 pendant 22 heures, le week-end dernier. « C’est fait de façon aléatoire, tous les jours, et on ne sait jamais la raison ! », s’insurge celui qui fait le métier à Montréal depuis 14 ans.

Sans compter un climat de travail très tendu entre les répartiteurs et les services paramédicaux, soutient Daniel. « L’autre jour, un répartiteur m’a dit : ‟Je m’en fous de ton lunch, j’ai un appel à te donner !” » Il était 15 h 15, il n’avait pas encore eu sa pause repas, et il devait traverser de Laval à Montréal à l’heure de pointe.

Si on attend nos pauses repas pour manger, on ne mangera jamais. Ça m’est déjà arrivé de manger un sandwich en conduisant. On est rendus là. On ne prend pas soin des gens qui veulent prendre soin des gens.

Daniel

Avec les départs massifs à la retraite pendant la pandémie et les jeunes recrues qui quittent le milieu en raison des conditions de travail difficiles, Daniel craint pour l’avenir.

« Ce que le TAT vient de faire en fin de semaine, c’est de déclencher une grogne incroyable auprès des paramédics à Montréal et Laval, assure Daniel. Parce que d’emblée, l’employeur utilise n’importe quel moyen pour ne pas nous octroyer nos pauses repas. »

* Prénom fictif pour préserver l’anonymat

En savoir plus
  • 330 000 à 350 000
    Nombre d’appels faits à Urgences-santé annuellement
    source : décision du Tribunal administratif du travail
    205 000
    Nombre de transports en ambulance par Urgences-santé annuellement
    Source : décision du Tribunal administratif du travail