Exaspérés de voir que seuls les patients orphelins avaient accès à la populaire ligne « Un appel, un rendez-vous » à Montréal, des parents se demandent s’ils ne devraient pas laisser tomber leur médecin de famille pour avoir eux aussi la chance d’obtenir une consultation rapidement pour leurs enfants. Mais au cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, on assure que des travaux sont en cours pour que la ligne soit rapidement accessible à tous « jusqu’à ce que le Guichet d’accès à la première ligne (GAP) soit pleinement fonctionnel ».

Le plein déploiement du GAP est prévu pour le mois d’août, mais seuls les patients qui n’ont pas de médecin de famille y auront accès.

Mère de trois enfants, la Montréalaise Diana Sinclair a eu besoin d’un rendez-vous rapide la semaine passée pour l’un d’eux, qui faisait de la fièvre depuis quelques jours. Sa fille de 4 ans et ses jumeaux de 14 mois sont inscrits auprès d’un médecin de famille. Jeudi, Mme Sinclair a donc téléphoné dès 8 h à leur clinique pour obtenir un rendez-vous. « Je me suis fait dire qu’il n’y avait pas de rendez-vous pour le jeudi, et pas pour le vendredi. Et la clinique est fermée la fin de semaine. On m’a dit d’aller aux urgences », déplore-t-elle.

Une ligne populaire

Mme Sinclair a pensé se rabattre sur la ligne « Un appel, un rendez-vous ». Lancée en septembre 2021, cette ligne visait d’abord à offrir des rendez-vous rapides aux enfants malades de Montréal afin d’éviter la congestion aux urgences durant la pandémie. Les patients avec ou sans médecin de famille étaient admissibles. Mais en mars, la ligne a cessé d’offrir ses services.

La situation a été décriée par de nombreux parents ces dernières semaines. Devant ce tollé et face à une hausse de l’achalandage aux urgences, le CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal a annoncé vendredi matin sur les ondes du 98,5 FM que la ligne serait relancée.

Or, plusieurs parents ont rapidement déchanté. « Quand on appelle sur la ligne, on se fait dire qu’elle n’est accessible que pour les patients sans médecin de famille », déplorait lundi midi Vivien Carli, instigatrice d’une pétition pour ramener la ligne « Un appel, un rendez-vous ».

Lundi midi, la ligne d’appel précisait en effet que le service était « pour les patients de 0 à 17 ans sans médecin de famille ».

Pour Mme Sinclair, qui a utilisé la ligne l’hiver dernier et en avait été très satisfaite, cette situation est déplorable. « C’est comme si on est désavantagés d’avoir un médecin de famille. Nous aussi, on a des problèmes ! », dit-elle. Une position partagée par de nombreux parents, selon Mme Carli.

Au cabinet du ministre Dubé, on reconnaît que la ligne « Un appel, un rendez-vous » a été « très efficace ». On promet que les parents de Montréal « seront informés dans les prochains jours du numéro de téléphone de leur Guichet d’accès ». « Nous allons nous assurer auprès de l’équipe que le service 0-17 ans soit disponible pour ceux avec médecin de famille et ceux sans médecin de famille jusqu’à ce que le Guichet d’accès à la première ligne (GAP) soit pleinement fonctionnel ».

Le GAP vise à offrir des consultations avec un professionnel de la santé aux patients orphelins du Québec. Pour Mme Carli et Mme Sinclair, le GAP ne réglera pas la situation des parents qui ont un médecin de famille, mais qui sont incapables de le consulter rapidement quand leur enfant est malade. « Est-on mieux de quitter notre médecin de famille pour pouvoir continuer d’avoir des accès rapides ? », demande Mme Sinclair.

Gardez vos médecins

Médecin de famille à Saint-Jean-sur-Richelieu, la Dre Joëlle Bertrand-Beauvais estime que quitter son médecin de famille serait « une erreur ». « Je comprends les parents. On veut consulter rapidement quand notre enfant est malade. Mais avec le GAP, on offrira des consultations. Pas des suivis », dit-elle. L’omnipraticienne donne en exemple un enfant évalué pour un TDAH qui peut être vu trois fois par année après son premier diagnostic et qui a nettement avantage à avoir un médecin de famille.

Omnipraticienne spécialisée en dépendance, la Dre Marie-Ève Turgeon reconnaît qu’en pédiatrie, la situation est particulière et que la ligne « Un appel, un rendez-vous » répond à un réel besoin. Elle croit toutefois que tous les patients ne devraient pas penser à quitter leur médecin de famille pour avoir accès à des consultations plus rapides. « Avoir accès à un médecin qui répond à un service ponctuel, ce n’est pas la même chose qu’avoir un médecin qui te connaît, dit-elle. Particulièrement pour les patients avec des profils plus complexes. »

Au cabinet de M. Dubé, on croit aussi que les patients ne devraient pas quitter leur médecin de famille. On indique que la récente entente conclue avec les médecins de famille « amènera les médecins de famille à avoir une meilleure prise en charge de leur clientèle », notamment en voyant plus rapidement leurs patients inscrits, et permettra aux Québécois d’être « enfin pris en charge, facilement et rapidement ».