Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a frappé la FIQ « à la jugulaire » et a « déversé son fiel antisyndical » lors d’une conférence de presse qu’il avait donnée, en novembre dernier, pour tenter de ramener des infirmières dans le réseau public, à cause du manque de personnel dû à la COVID.

C’est ce qu’a plaidé lundi l’un des avocats de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) devant le Tribunal administratif du travail.

Le Tribunal entend la plainte pour négociation de mauvaise foi et entrave aux activités syndicales contre le gouvernement du Québec, basée sur l’arrêté ministériel 071 et sur les déclarations du ministre Dubé.

Les parties en sont maintenant rendues à l’étape des plaidoiries. D’ailleurs, la CSQ et la CSN aussi ont déposé une plainte dans le même contexte.

Lors de sa conférence de presse, en novembre 2021, le ministre Dubé avait notamment soutenu que les syndicats cherchaient à obtenir des primes aussi pour leurs déléguées qui bénéficient de libérations syndicales, alors que lui voulait réserver ces primes pour les infirmières « sur le plancher ».

Il avait aussi reproché aux syndicats d’être réticents à l’idée de voir reconnue l’ancienneté d’infirmières retraitées qui accepteraient de revenir au travail, dans le contexte de la crise de la COVID.

La FIQ critique le fait que l’arrêté ministériel 071 prévoyait différentes primes et mesures, totalisant 1 milliard, pour ramener des infirmières à temps plein dans le réseau public, sans que cela ait été négocié avec les syndicats. Ces primes avaient été décidées unilatéralement par Québec.

Qui plus est, à l’époque, la FIQ venait de négocier le renouvellement de sa convention collective, avec des clauses pour créer plus de postes à temps plein. Et elle s’était fait dire qu’il n’y avait plus d’argent dans les coffres de l’État, qu’elle était allée au bout de ce que le gouvernement pouvait donner.

La FIQ avait alors été prise à partie par ses propres membres, qui lui reprochaient de s’être fait avoir par les négociateurs gouvernementaux, de n’avoir pas compris, lors de la négociation de la convention collective, qu’il restait encore 1 milliard sur la table.

Une crise de confiance s’en est suivie. La FIQ a perdu de la crédibilité. Le tout a culminé par un vote de non-confiance, qui a entraîné le départ de la présidente de la FIQ, Nancy Bédard, ont relaté les avocats de la FIQ.

Québec : à cause de l’urgence sanitaire

Le Procureur général s’est ensuite fait entendre par le Tribunal administratif du travail, plaidant essentiellement le contexte de la pandémie, de l’urgence sanitaire.

La Loi sur la santé publique donne de larges pouvoirs au gouvernement dans ce contexte et lui permet même d’écarter des lois pour faire un décret ou un arrêté ministériel, a plaidé l’avocate du Procureur général. Les mesures qu’il peut adopter dans ce contexte ont une très large portée ; elles peuvent être l’« équivalent de la Loi sur les mesures de guerre ».

Le Procureur général a aussi soulevé l’argument voulant que lorsque le gouvernement a agi comme il a agi face aux syndicats, il n’a pas agi en tant qu’employeur, mais bien en tant qu’État responsable de la gestion d’une crise pandémique.

Quant à la somme de 1 milliard qui avait été annoncée pour des mesures et primes, alors que la FIQ venait de négocier sa convention collective en se faisant dire que les coffres étaient vides, le Procureur général a expliqué que la somme avait dû être empruntée.