Alyson avait 15 mois quand on lui a finalement fait passer un test auditif à l’hôpital. « Son retard de langage aurait été moindre si sa surdité avait été diagnostiquée plus tôt », se désole sa mère, Sarah-Pier Blackburn.

Aux côtés de parents d’enfants présentant une surdité, l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ) et l’Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs (AQEPA) dénoncent dans une lettre ouverte le fait que 13 ans après l’annonce du Programme québécois de dépistage de la surdité chez les nouveau-nés, 53 % des bébés seulement sont testés à la naissance. Ce taux est confirmé par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

C’est d’autant plus incompréhensible, dit Paul-André Gallant, président de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes, « que le test ne prend que cinq minutes, qu’il est fait par une infirmière ou une infirmière auxiliaire et que l’appareil pour le faire est très peu coûteux. En fait, plusieurs des appareils sont disponibles et dorment dans les placards ».

« Nous nous expliquons mal une telle lenteur, d’autant que la déficience auditive est le deuxième trouble le plus fréquent avec le trouble visuel chez les moins de cinq ans. Chaque année, de quatre à six bébés sur mille naissent avec une perte auditive », peut-on lire dans la lettre.

« Parcours du combattant »

Julie St-Hilaire ne comprend pas non plus pourquoi ses enfants n’ont pas été testés à la naissance. « J’avais demandé s’il était nécessaire de passer un test, car la grand-mère paternelle avait une surdité profonde, mais comme elle était due à une chute, on m’a dit que ce n’était pas nécessaire. »

Vers l’âge d’un an et demi, constatant que son fils ne réagissait pas quand on l’appelait, elle a consulté un médecin de famille, puis un pédiatre.

Après plusieurs mois de « parcours du combattant », une évaluation audiologique a finalement pu être faite et un diagnostic de surdité modérée à modérément sévère a finalement été posé. Son fils avait déjà deux ans et demi.

« Pour ma fille Chloé, née en 2011, il n’était toujours pas possible de faire un dépistage à la naissance.

« Ayant vécu tout ce parcours avec mon fils, je savais qu’il fallait aller au-delà des suppositions des médecins qui écartaient la surdité, et des obstacles du système. […] Je ne me suis pas laissé dire non. »

L’OOAQ et l’AQEPA observent qu’encore aujourd’hui, plusieurs régions ne sont pas couvertes et que des parents de l’Outaouais vont en Ontario pour faire tester leurs enfants ou finissent par aller dans le secteur privé.

Selon les signataires de la lettre, le « manque de leadership » dans ce dossier fait du Québec le mauvais élève du Canada, la Colombie-Britannique affichant, selon eux, un taux de dépistage de 97 % chez les bébés, et l’Ontario, un taux de 94 %.

Pour les enfants en cause, l’enjeu n’est pas mince, écrivent les signataires de la lettre.

L’enfant qui présente une surdité, qu’elle soit légère ou sévère, risque « des conséquences importantes sur son parcours scolaire, sa vie sociale, son épanouissement personnel ».

Lambert Drainville, attaché de presse de Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, indique que « près de 8000 nouveau-nés supplémentaires auront accès au dépistage de la surdité à la naissance » au cours de la prochaine année.

« Nous poursuivons les travaux d’implantation actuellement dans plusieurs régions afin d’offrir [le dépistage] à tous les nouveau-nés. Tous les bébés présentant un ou des facteurs de risque de surdité sont recommandés pour fins de dépistage. »