(Québec) Le ministère de la Santé et des Services sociaux et ses établissements « n’étaient pas bien préparés » au déploiement urgent des consultations médicales à distance au début de la pandémie, même si des rapports d’experts pressaient Québec d’investir en télémédecine depuis 20 ans.

Dans le plus récent tome de son rapport pour l’année 2021-2022, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, déplore le fait qu’« au cours des 20 dernières années, plusieurs initiatives visant le développement de la télésanté ont été entreprises dans le réseau, mais elles n’ont pas donné les résultats escomptés », et que « des projets de télésanté prometteurs ne sont pas mis en œuvre ou exploités à leur plein potentiel ».

Pire, « des recommandations formulées en 2001 par un comité d’experts ont fait l’objet de peu de suivi [et] certaines actions prévues en 2015 et en 2016 ne sont pas encore réalisées », peut-on lire dans le rapport, déposé mercredi au Salon bleu.

En 2001, rappelle-t-on, « la Table ministérielle en télésanté a formulé des recommandations en matière de télésanté, mais celles-ci ont fait l’objet de peu de suivi de la part » du ministère de la Santé. Cette table avait aussi recommandé de « confier à une direction clinique la responsabilité de mettre en œuvre un plan d’action ». Le plan finalement élaboré par le Ministère en 2006 « est demeuré un document de travail ».

« Vu que ça fait 20 ans que le Ministère s’y penche et qu’il y a des groupes de travail qui s’y penchent, on se serait attendu qu’en 2020, ce soit plus avancé », affirme Mme Leclerc.

Le téléphone plutôt que la visioconférence

Alors que le décret d’urgence sanitaire a permis aux médecins de réaliser des actes à distance tout en étant rémunérés, la vérificatrice générale déplore le fait que « le ministère de la Santé et des Services sociaux n’a pas mis en place l’encadrement nécessaire en ce qui concerne les téléconsultations, ce qui pourrait avoir des conséquences sur la qualité des soins offerts à distance ».

« De mars 2020 à mars 2021, les outils de travail collaboratifs ont été peu utilisés par les médecins et la quasi-totalité des téléconsultations (99 %) ont été effectuées par téléphone. Cela pourrait avoir des conséquences sur la qualité des soins offerts à distance puisque certains actes médicaux requièrent un contact visuel avec le patient, voire un examen physique », plaide-t-on dans le rapport.

« Selon les pratiques recensées par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux, les téléconsultations par visioconférence ajoutent la possibilité d’un examen physique visuel et seraient plus interactives. Durant la première année de la pandémie, le [ministère de la Santé] n’a pas précisé dans quel contexte les téléconsultations pouvaient être réalisées par téléphone. C’est seulement en avril 2021 qu’il a publié un guide […] dans lequel il recommande notamment de limiter l’utilisation du téléphone pour un suivi », ajoute-t-on.

Si Québec souhaite maintenir la possibilité pour les médecins de réaliser certains actes par téléphone, il devra prévoir le coup dans la « refondation » du système de santé que promet le ministre Christian Dubé.

« La Loi sur les services de santé et les services sociaux n’inclut pas les téléconsultations par téléphone dans les activités de télésanté. Cette possibilité a été donnée uniquement en vertu du décret d’urgence sanitaire. Des modifications législatives seront requises si le [Ministère] décide de conserver ce type de téléconsultations après la pandémie », prévient la vérificatrice générale.

Technologie désuète

Dans l’objectif d’accroître la pratique de la télémédecine, le rapport de la vérificatrice générale prévient que « les infrastructures technologiques comportent des limites importantes pour la prestation de soins de santé à distance », alors que « plusieurs établissements [sont] en train d’implanter un réseau informatique sans fil fiable au sein de leurs installations ».

« Il y [a] même des établissements pour lesquels l’internet haute vitesse n’[est] pas adéquat encore. On [est] loin de la télésanté telle qu’on pouvait la souhaiter en 2001 », déplore Mme Leclerc.

« L’accessibilité à un réseau informatique de qualité est une condition de base pour pouvoir offrir des soins de santé à distance. À la fin de nos travaux, plusieurs établissements étaient encore en train d’implanter un réseau informatique sans fil fiable au sein de leurs installations. De plus, plusieurs établissements n’avaient pas terminé la mise en place de solutions visant l’informatisation des données cliniques des patients, même si le [ministère de la Santé] s’était fixé un tel objectif pour 2020 », ajoute-t-elle dans son rapport.

À ce jour, les médecins peinent également à avoir accès aux données des patients lorsqu’ils sont soignés dans plus d’un établissement. « Dans le réseau de la santé et des services sociaux, il existe une multitude de systèmes d’information différents qui ne peuvent pas communiquer d’informations cliniques entre eux », rappelle-t-elle.