Le nombre d’infirmières en exercice au Québec a poursuivi sa croissance en 2020-2021, mais cette croissance de 1,9 % a été moins forte que celle de 2,2 % enregistrée l’année précédente et qui était la plus importante des dix dernières années.

L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) dévoilait lundi son rapport statistique annuel qui fait état de tout près de 80 500 infirmières et infirmiers inscrits à son Tableau au 31 mars 2021. La profession demeure massivement féminine, mais la proportion de l’effectif masculin atteint son plus haut niveau en dix ans, soit 14,1 %.

Malgré la hausse, la proportion de celles œuvrant dans le réseau public a légèrement diminué, passant de 84,8 % l’an dernier à 84,4 % cette année. Parallèlement, le nombre d’infirmières travaillant en agence privée a augmenté de 19 %. Bien que les quelque 2760 professionnelles qui se sont tournées vers le privé ne représentent qu’une faible proportion du total, l’augmentation n’en est pas moins la plus importante en dix ans.

L’organisation du travail pointée du doigt

Dans son communiqué, l’OIIQ note d’ailleurs que « la pénurie de personnel infirmier dans le réseau de la santé et des services sociaux a dirigé les projecteurs vers les enjeux liés à l’organisation du travail. Le plus récent rapport démontre notamment que plus d’infirmières et infirmiers se tournent vers le secteur privé en vue d’améliorer leurs conditions de travail. »

Son président, Luc Mathieu, ajoute que « l’amélioration des services aux citoyens passe par le retour et la rétention d’infirmières et infirmiers, mais aussi par trois priorités : une organisation du travail plus efficace, un meilleur soutien clinique et une formation universitaire pour répondre aux besoins plus complexes de la population ».

Par ailleurs, ces statistiques ne tiennent pas compte de plus de 6000 droits d’exercice accordés par l’Ordre pour participer à l’effort de lutte contre la pandémie. Il s’agissait entre autres d’anciennes membres qui n’étaient plus inscrites au tableau, d’infirmières des Forces armées, d’étudiantes, d’infirmières diplômées hors Canada. Les droits d’exercices pouvaient être complets ou limités selon les cas.

Plus d’infirmières au Québec et des inégalités régionales

Un des éléments à noter est que le Québec présente un ratio nettement supérieur à la moyenne canadienne, soit de 7,62 infirmières en soins directs par 1000 habitants, une légère hausse par rapport aux 7,53 de l’année dernière qui se compare très favorablement aux 7,02 du reste du Canada. L’Ontario accuse un retard important face au Québec, avec un ratio de 6,32.

Sur une base régionale, on note que c’est la région Nord-du-Québec/Nunavik/Terres-cries de la Baie James qui présente – et de loin – le meilleur ratio dans la province, soit 13,45 infirmières par 1000 habitants, devant les régions de Québec (11,04), Montréal (10,33) et Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine (9,33). À l’opposé, c’est dans la région de Lanaudière où ce ratio est le plus faible, avec 4,93 infirmières par 1000 habitants. Suivent l’Outaouais (5,09), la Montérégie (5,18), les Laurentides (5,29) et Laval (5,49).

Par contre, là où le Québec traîne sérieusement de la patte est dans le nombre d’infirmières spécialisées, bien que la moitié d’entre elles détiennent un diplôme universitaire (44,5 % ont un baccalauréat et 5,4 % ont une maîtrise).

Ainsi, on compte au Québec 842 infirmières praticiennes spécialisées (IPS), soit un ratio de 9,3 par 100 000 habitants, comparativement à 18,4 dans le reste du Canada et à 22,2 en Ontario. Les IPS sont spécialisées en soins de première ligne, soins aux adultes, néonatalogie, soins pédiatriques et santé mentale.

Une autre catégorie, celle des infirmières cliniciennes spécialisées (ICS), est à être bâtie. Elles ne sont que 35 au Québec et une seule spécialisation leur est reconnue jusqu’ici, soit la prévention et le contrôle des infections « alors que les besoins s’étendent à d’autres domaines de pratique », plaide l’Ordre.

Enfin, le rapport statistique de l’OIIQ présente une curiosité, en l’occurrence le « taux d’intégration sur le marché du travail ». On y apprend que ce taux chez les titulaires d’un baccalauréat atteint 93,5 % contre 89,9 % chez les détentrices d’un diplôme d’études collégiales. Bien qu’il s’agisse de taux très robustes, on peut quand même s’étonner qu’en période de pénurie d’infirmières, entre 6,5 % et 10 % d’entre elles ne se trouvent pas de travail.