Les pénuries de personnel dans de nombreux secteurs du réseau de la santé exercent une immense pression sur les hôpitaux du Grand Montréal. Dans les urgences, 50 % des 570 civières disponibles sont actuellement occupées par des patients qui attendent qu’un lit se libère aux étages de l’hôpital.

« On est plus à 40 % ou 45 % normalement. Il faut libérer des lits aux étages », affirme le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le DGilbert Boucher.

Mardi midi, la quasi-totalité des urgences du Grand Montréal affichaient un taux d’occupation de plus de 110 %. Ces débordements ne sont que le reflet d’un réseau de la santé qui manque de personnel à de nombreux endroits et qui est surchargé, explique la Dre Judy Morris, présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec (AMUQ). « Nous, aux urgences, on n’est que le symptôme. Tout le système est affecté », dit-elle.

Pour libérer des civières aux urgences, il faut donner congé aux patients. Ou les hospitaliser aux étages. Mais aux étages, on fait aussi face à un manque de lits et de personnel. Si bien que les patients attendent plus longtemps aux urgences.

Actuellement, 562 patients en « fin de soins actifs » occupent des lits sur les étages dans les hôpitaux montréalais, selon le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Une hausse de 15 % par rapport à pareille date l’an dernier. Ces patients, qui n’ont plus besoin d’être hospitalisés, restent tout de même à l’hôpital parce qu’ils attendent une place en CHSLD, en soins post-aigus, en réadaptation ou en soins à domicile, notamment.

Des listes d’attente qui s’allongent

L’attente pour obtenir une place en CHSLD augmente au Québec. On compte actuellement 3423 personnes sur les listes d’attente, soit 231 de plus qu’il y a six mois, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). La Dre Sophie Zhang, coprésidente de la Communauté de pratique des médecins en CHSLD, explique qu’au cours des dernières années, le nombre de places en CHSLD est resté stable au Québec. « Mais avec le vieillissement de la population, ça aurait dû augmenter. Il va falloir créer plus de places », dit-elle.

La quasi-totalité des 40 427 lits de CHSLD sont actuellement occupés. Dont un certain nombre de chambres pour deux personnes.

« Après la première vague, il y avait beaucoup de lits vides dans les CHSLD. Mais les admissions ont repris depuis », explique la Dre Zhang. Celle-ci note toutefois qu’à certains endroits, des lits de CHSLD ne peuvent être remplis par manque de personnel. « Ce n’est pas rose », dit-elle.

« Il faut que plus de ressources soient mises partout. Il faut que le système en entier fonctionne », soutient la Dre Morris.

Mois difficiles à venir

Lundi, l’hôpital de Lachine a annoncé la fermeture de sa salle d’urgence le soir et la nuit dès le 7 novembre par manque de personnel. « Quand on doit fermer une urgence, c’est qu’on est à 50 % ou moins de notre personnel », explique le DBoucher.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le DGilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec

Cette fermeture aura un impact sur les autres urgences du Grand Montréal. « Avec la fermeture de Lachine, les surplus de patients qui seront envoyés ailleurs ajouteront un stress. Et le réseau est déjà très fragile… », constate la Dre Morris.

Selon le DBoucher, d’autres urgences du Grand Montréal sont en situation précaire, dont l’hôpital du Suroît à Salaberry-de-Valleyfield, l’hôpital Anna-Laberge à Châteauguay, l’hôpital de Saint-Eustache et l’hôpital de Saint-Jérôme. Dans ces endroits, « il n’y a parfois pas assez d’infirmières pour couvrir à la fois le triage et la salle de réanimation », note le DBoucher. Si bien que certains médecins font actuellement du triage, dit-il.

Le DBoucher dit avoir « beaucoup d’appréhension » pour les prochains mois, historiquement plus occupés dans les urgences alors que le froid et les virus hivernaux sévissent. « En ce moment, on n’a pas assez de personnel. On n’a pas de réserve. On appréhende la hausse de patients », dit-il.

Taux d’occupation dans certaines urgences du Grand Montréal

(mardi, à midi)

Hôpital Pierre-Boucher : 206 %

Hôpital Royal Victoria : 179 %

Hôpital de Saint-Jérôme : 174 %

Hôpital Maisonneuve-Rosemont : 163 %

Hôpital de Verdun : 162 %

Hôpital du Suroît : 156 %

Hôpital du Lakeshore : 148 %

Hôpital de Saint-Eustache : 144 %

CHUM : 139 %