Les urgences de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont sont « en hémorragie », déplorent des infirmières et des médecins. Ils réclament des mesures pour éviter d’éventuelles ruptures de service, alors que l’établissement a dû procéder en début de semaine à une fermeture temporaire de sa section ambulatoire à cause du manque de personnel. Le CIUSSS, lui, assure que « la situation est exceptionnelle ».

« De 22 h dimanche soir à 16 h lundi, on a redirigé la majorité des patients qui rentraient à l’urgence. On ne prenait que les cas urgents qui avaient absolument besoin d’une prise en charge, mais tous les patients qui pouvaient attendre au lendemain, aller en clinique ou dans un autre hôpital, il fallait les refuser. Ç’a été très dur », explique à La Presse l’infirmière Marie-Lou Soucy.

En temps normal, 24 infirmières travaillent au service des urgences. Dimanche soir, il y en avait 14, affirme-t-elle. « Et la nuit, on en avait sept. C’est pour ça qu’on a dû fermer. Ça devenait critique, on ne pouvait pas couvrir tous les secteurs de l’urgence. On a une capacité de 54 civières et, dimanche soir, on était à 65 patients sur civière, plus ceux de la salle d’attente », soutient Mme Soucy.

« La direction avait été mise au courant de cette situation vendredi. Elle joue un peu à la roulette russe, en se disant que, peut-être, il n’y aura pas un gros taux d’occupation, que ça va passer », ajoute-t-elle.

Vendredi, une quinzaine d’infirmières et de médecins se sont réunis devant les urgences de l’hôpital pour dénoncer cette situation « sans précédent ».

Ça fait 24 ans que je suis ici. J’ai l’hôpital Maisonneuve-Rosemont tatoué sur le cœur. Mais honnêtement, je n’avais encore jamais vu ça, devoir rediriger des patients de la salle d’attente vers d’autres cliniques. On est en hémorragie. Il faut qu’on soit capables de retenir notre personnel à court terme.

Mélanie Young, infirmière

Selon l’infirmière Mélanie Young, la solution passe par un meilleur salaire et des conditions « plus attrayantes », surtout les fins de semaine. « Avoir l’assurance que si on rentre pendant notre fin de semaine de congé, on va être capable de partir avant 16 h, ça aiderait beaucoup à retenir le monde. De la même manière, si on rentre le soir, il faut qu’on puisse s’en aller à minuit. Ce n’est pas le cas présentement »,
assure-t-elle.

« On adore notre travail, mais il y a des limites », ajoute Marie-Lou Soucy, qui craint comme sa collègue que l’expertise des urgences s’effrite. Depuis mars, elles ont recensé neuf départs et cinq embauches. « Ces neuf départs, c’est de l’expertise qui prend de quatre à cinq ans à obtenir », illustre Mélanie Young.

« J’ai l’impression qu’il y a une espèce d’omerta au CIUSSS de l’Est. Dimanche, quand on a eu la fermeture, rien n’a été communiqué, même pas un message pour dire aux usagers de ne pas se présenter. Urgences-santé n’était même pas au courant que les ambulances ne rentraient pas à Maisonneuve », ajoute-t-elle.

Des « mesures d'exception », selon le CIUSSS

Appelé à réagir, le PDG adjoint du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Jean-François Fortin Verreault, a assuré que la situation était prise au sérieux, en apportant toutefois des précisions. « J’étais là, dimanche, et ce qui s’est passé, ce n’est pas [une rupture] de service ou une fermeture comme ce qu’on a vu en Outaouais. Cinq infirmières et trois auxiliaires ont décidé de ne pas rentrer, voyant la charge de patients, pendant que quatre infirmières supplémentaires étaient malades », relate-t-il.

On était en sous-effectif et à courte échéance, nos capacités d’action étaient limitées. Il a fallu fermer temporairement la section ambulatoire de l’urgence, ce qui concernait d’abord les patients qui peuvent être vus dans une clinique médicale.

Jean-François Fortin Verreault, PDG adjoint d CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal

Le CIUSSS affirme qu’il n’y a « pas eu de conséquences pour les patients », la plupart ayant été envoyés dans des cliniques ou vers un autre milieu, tandis que d’autres ont été mis en observation sur civière. « On parle de mesures d’exception avec 12 personnes en moins, un dimanche. C’est sûr qu’on travaille pour que ça ne se reproduise pas », dit M. Verreault.

« Nos infirmières souhaiteraient avoir plus d’activité de jour, et moins de soir ou de fin de semaine, pendant que les besoins des patients, eux, sont 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le défi reste entier. La première chose qu’on peut faire, c’est la transformation clinique. Il y a des patients qu’on met sur civière et qu’on serait capables de voir en ambulatoire, avec le bon protocole. Ça permettrait de répondre à leurs besoins, tout en proposant des horaires plus faciles aux infirmières », affirme-t-il.

Le nombre d’ambulances admises au quotidien a aussi été « diminué » pour réduire la pression sur les urgences, selon le cadre. À moyen terme, il envisage que la transformation des environnements de travail aura un effet bénéfique. L’agrandissement de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont est prévu pour 2030. Comme dans le cas du CHUM, ce projet de plusieurs milliards aura un « impact majeur » sur la rétention du personnel, croit le CIUSSS.