(Ottawa) Le président de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) ne montre aucun signe qu’il est prêt à publier des documents non caviardés sur le licenciement de deux scientifiques du laboratoire de la plus haute sécurité du pays – malgré la perspective d’être publiquement montré du doigt à la Chambre des communes pour son refus de produire les informations.

Le président de l’ASPC, Iain Stewart, a déclaré vendredi au Comité de la santé de la Chambre des communes qu’il était tenu par la loi de protéger la sécurité nationale et les droits à la vie privée.

Et il a soutenu que rien dans un ordre de la Chambre exigeant qu’il produise les documents ne le dégageait de cette obligation.

« Je suis un fonctionnaire de carrière et, en tant que fonctionnaire de carrière, je suis tenu de respecter la loi », a déclaré M. Stewart au comité.

Il a affirmé qu’il suivait les conseils reçus des « experts juridiques et de sécurité » du ministère de la Justice.

« En tant que responsable de l’Agence de la santé publique, je suis la personne […] qui fournit les documents et, par conséquent, je me retrouve dans cette situation extraordinaire en cette 27e année de ma carrière. Mais ce n’est pas l’exercice de mon choix qui me met dans cette situation, ce sont les obligations de mon travail. »

Les partis d’opposition ont uni leurs forces plus tôt cette semaine pour adopter une motion déclarant l’ASPC pour outrage au Parlement et sommant M. Stewart de comparaître lundi à la barre des Communes pour être réprimandé par le président et pour produire les documents.

M. Stewart a dit qu’il attendait avec impatience lundi. Il a refusé de dire spécifiquement s’il remettrait les documents à ce moment-là, mais son témoignage lors d’un interrogatoire persistant de l’opposition vendredi a laissé croire qu’il ne le ferait pas.

Selon la procédure et les usages de la Chambre des communes, appeler quelqu’un à la barre de la Chambre est une procédure rarement utilisée pour montrer du doigt publiquement une personne réputée avoir commis « une atteinte à la dignité ou à l’autorité du Parlement ».

M. Stewart a refusé à deux reprises un ordre du comité des relations Canada-Chine de produire des documents non caviardés qui éclaireraient sur les raisons pour lesquelles les scientifiques Xiangguo Qiu et Keding Cheng ont été escortés hors du Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg en juillet 2019 puis licenciés en janvier dernier.

Il a également refusé de se conformer à une motion de la Chambre des communes adoptée par les partis d’opposition au début du mois pour remettre tous les documents non caviardés au légiste parlementaire, qui les examinerait de manière confidentielle et caviarderait tout ce qui, selon lui, pourrait compromettre la sécurité nationale ou l’enquête policière en cours.

Cette motion précisait que le comité des relations Canada-Chine, après consultation avec le légiste, pouvait choisir de rendre public tout matériel caviardé.

L’ASPC a plutôt remis les documents non caviardés au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, dont les membres ont une cote de sécurité maximale et sont tenus au secret.

Le président de la Chambre des communes, Anthony Rota, a statué mercredi que la remise des documents à cet organisme n’était pas suffisante pour se conformer à l’ordre de la Chambre, car il ne s’agit pas d’un comité du Parlement. Il a en outre affirmé que les Communes et ses comités permanents ont le pouvoir absolu d’ordonner la production de documents non caviardés, quelle que soit leur sensibilité, et de déterminer comment ils doivent être traités.

Les membres de l’opposition du Comité de la santé ont fait référence à plusieurs reprises à cette décision vendredi, exigeant que M. Stewart reconnaisse que le Parlement est suprême et qu’il se conforme enfin à l’ordre de remettre les documents.

La députée libérale Jennifer O’Connell a fait valoir que la divulgation des documents aux parlementaires sans l’autorisation de sécurité appropriée pourrait permettre à la Russie, la Chine et d’autres « acteurs malveillants » d’accéder à des informations sensibles.

M. Stewart et la ministre de la Santé, Patty Hajdu, ont tous deux déclaré que le licenciement des scientifiques n’avait rien à voir avec le fait que Xiangguo Qiu avait supervisé une expédition de virus Ebola et Henipah à l’Institut chinois de virologie de Wuhan en mars 2019.

Ils ont également déclaré qu’il n’y avait aucun lien avec le virus responsable de la COVID-19 qui est apparu pour la première fois dans la province chinoise de Wuhan et qui, selon certains, pourrait avoir été relâché accidentellement par l’institut de virologie.

Néanmoins, les partis d’opposition continuent de suspecter un lien et exigent de voir des documents non caviardés concernant à la fois le transfert de virus à l’institut de Wuhan et les licenciements ultérieurs.