(Québec) Le gouvernement Legault s’était engagé à éliminer la liste d’attente en vue d’obtenir des services de santé mentale, mais au lieu de cela la liste ne cesse de s’allonger.

En novembre, le Québec comptait 16 000 noms de personnes en attente d’un rendez-vous en santé mentale, quand le ministre responsable, Lionel Carmant, s’est engagé à tout mettre en œuvre pour éliminer le délai d’attente.

Mais loin d’être éliminée, six mois plus tard, la détresse se répand plus que jamais, si bien que la liste d’attente compte actuellement pas moins de 20 000 noms.

Dans ce contexte, les partis d’opposition ont accentué la pression sur le gouvernement, vendredi, pour qu’il prenne la situation au sérieux, en appliquant de toute urgence les correctifs nécessaires.

Pendant deux heures, vendredi matin, à l’Assemblée nationale, le ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, a dû rendre des comptes à l’opposition sur sa gestion du dossier depuis deux ans et demi, à l’occasion d’une interpellation.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Lionel Carmant

M. Carmant avait annoncé en novembre qu’il débloquait d’urgence 100 millions, une somme non récurrente, pour accroître l’offre de services en santé mentale dans le réseau public, d’ici mars 2022.

Le tiers de cette somme (35 millions) devait servir à l’achat de services de psychologues et autres professionnels du secteur privé, en vue d’augmenter rapidement l’offre de soins.

Il espérait alors, en novembre, que cela permettrait d’« éliminer » à court terme le temps d’attente pour avoir accès aux services requis, un délai qui peut s’étirer jusqu’à deux ans actuellement.

Mais le ministre a admis vendredi que le programme avait éprouvé des ratés et que le déploiement d’offres anticipé tarde à donner les résultats escomptés.

« On aurait pu faire mieux », a-t-il convenu, reconnaissant qu’il aurait aimé que « ça aille plus vite » pour répondre à la demande croissante.

Malgré ce constat, le ministre a refusé l’invitation des partis d’opposition de qualifier de « crise » la situation actuelle.

Avant l’interpellation, en mêlée de presse, le député péquiste Joël Arseneau s’était qualifié « d’homme en colère », faisant le constat d’échec de l’intervention gouvernementale en matière de santé mentale. Selon lui, ce domaine demeure « l’angle mort » de la pandémie de COVID-19.

Au gouvernement, « on ne voit pas l’iceberg arriver », a-t-il illustré, se disant « indigné » par le manque chronique de ressources.

Le député libéral David Birnbaum a renchéri pour réclamer une « solution ambitieuse », soit l’accès gratuit et universel aux services de psychothérapie, un investissement public évalué à 300 millions annuellement.

Par ailleurs, le ministre Carmant a reconnu que les organismes communautaires en santé mentale attendaient toujours le chèque promis au mois d’août. Il s’était engagé alors à verser d’urgence un total de 17,6 millions à partager entre quelques centaines d’organismes qui accueillent des gens en détresse.

Vendredi, il a dit qu’un premier versement avait été effectué, et il a promis que les autres versements attendus seraient dans la poste d’ici trois mois.

« Un très bon médecin »

Durant l’échange avec les parlementaires, M. Carmant a insisté pour justifier le fossé entre les engagements pris et les résultats obtenus par le fait qu’il voulait faire les choses « dans l’ordre », « progressivement », en prenant le temps requis pour effectuer les changements d’approche importants qui sont nécessaires dans le traitement des problèmes de santé mentale.

« Ce serait irréaliste de le faire en un clin d’œil », a-t-il observé, préconisant un « changement de culture » en la matière, basé davantage sur la prévention, « c’est tellement important », et le dépistage précoce, donc moins uniquement axé sur le « curatif », comme c’est le cas actuellement.

« On est dans un système où tout, tout, tout ou presque toutes les ressources vont au curatif. Il faut changer ça », selon le ministre, partisan de l’intervention en amont.

Prodiguer « le bon soin, au bon moment, par le bon professionnel », tel est le leitmotiv à la base de la vaste réorganisation de l’offre de soins qu’il veut mettre en place, « pour changer les choses de façon durable ».

Avant de se lancer en politique, le ministre Carmant, qui est médecin, était neurologue spécialisé dans le traitement de l’épilepsie chez les enfants. Il a raconté que c’est à cette époque qu’il avait pris conscience que le meilleur traitement était la prévention, en misant notamment sur de nouvelles habitudes de vie. « Ce sont ces petits détails-là qui ont fait de moi, peut-être, un très bon médecin », selon lui.