(Ottawa) La ministre de l’Inclusion des personnes handicapées, Carla Qualtrough, estime que les professionnels de la santé ne devraient pas être autorisés à discuter de l’aide à mourir avec leurs patients tant que ceux-ci ne posent pas de questions à ce sujet, et elle est disposée à modifier la loi pour que cela soit clair.

Certains praticiens de la santé ne sont cependant pas d’accord avec son point de vue, estimant qu’il est de leur devoir d’aborder toutes les options disponibles avec leurs patients afin d’assurer leur consentement éclairé. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada a exhorté le gouvernement à préciser explicitement dans la loi que les professionnels de la santé peuvent entamer des discussions sur l’aide à mourir avec leurs patients.

La ministre Qualtrough a fait ce commentaire jeudi lors de son témoignage devant le comité des affaires juridiques du Sénat, qui étudie le projet de loi qui élargirait l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes qui ne répondent pas au critère de « mort naturelle raisonnablement prévisible » actuellement en vigueur.

Elle a également déclaré au comité qu’elle était prête à envisager un amendement au projet de loi pour imposer une clause de réexamen de 12 mois de la disposition interdisant aux personnes souffrant uniquement de maladies mentales de demander l’aide à mourir — une exclusion que des experts juridiques ont jugée inconstitutionnelle.

Des groupes de défense des droits des personnes handicapées s’opposent fermement au projet de loi C-7 qui, selon eux, laisse entendre aux personnes handicapées que leur vie ne vaut pas la peine d’être vécue.

Poussé à demander l’aide à mourir

Le leader de l’opposition conservatrice au Sénat, Don Plett, a évoqué le cas de Roger Foley, un homme de 45 ans atteint d’une maladie neurodégénérative qui l’a laissé incapable de bouger ou de prendre soin de lui-même.

Plus tôt ce mois-ci, M. Foley a déclaré au comité de la justice de la Chambre des communes que le personnel médical l’avait pressé de réclamer l’aide médicale à mourir lorsqu’il avait demandé des soins à domicile. Il a porté son allégation devant les tribunaux, faisant valoir que son droit à « l’aide à la vie » avait été violé.

La ministre Qualtrough a dit au sénateur Plett qu’elle était « gravement préoccupée » par ce qui est arrivé à M. Foley. « Et je peux vous dire qu’il n’est pas le seul », a-t-elle ajouté.

Elle a dit avoir entendu à plusieurs reprises des témoignages de gens qui ont été consternés de découvrir qu’une personne handicapée de leur famille s’était fait offrir l’aide à mourir sans l’avoir demandée.

« Je pense que cela doit cesser […] Cela témoigne vraiment d’une discrimination systémique sous-jacente que nous ne pouvons plus taire dans ce pays. »

Mme Qualtrough a initialement suggéré qu’il appartenait aux collèges des médecins de chaque province de réglementer la question. Elle a également fait valoir que le gouvernement fédéral — qui se dépêche de faire adopter le projet de loi avant la date limite du 18 décembre imposée par le tribunal — n’a pas eu le temps de régler toutes les questions en suspens dans la loi.

Mais, poussée par le sénateur Plett à expliquer pourquoi le projet de loi ne pouvait pas être amendé pour spécifier que les discussions sur l’aide à mourir doivent être « initiées par le patient », la ministre a indiqué qu’elle serait « certainement disposée à envisager cela ».

Plus tôt cette semaine, le directeur général de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, Michael Villeneuve, a affirmé devant le comité que la loi devrait explicitement permettre aux praticiens de la santé de soulever la question auprès des patients.

M. Villeneuve, un infirmier en soins intensifs, a déclaré qu’il n’avait jamais vu de cas où un patient aurait été incité à demander l’aide à mourir. Au contraire, les médecins et les infirmières hésitent à parler de ce sujet, selon lui.

« Mais parfois, cela libère la conversation si une infirmière ou un médecin dit : « Qu’est-ce que vous en pensez ? Avez-vous pensé à votre vie ? Avez-vous pensé à votre mort ? » », a-t-il dit.

« L’intention n’est pas de contraindre, mais plutôt d’ouvrir une conversation sur les options légalement disponibles. »

Offrir toutes les options au patient

La docteure Stefani Green, présidente de l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’aide médicale à mourir, a dit au comité plus tôt cette semaine qu’il y avait des circonstances où un praticien devrait soulever la question avec un patient. Par exemple, dans certains cas, le patient ne sait pas qu’il aurait le droit de se prévaloir de l’aide à mourir.

« On pourrait soutenir qu’il ne serait peut-être pas professionnel de ne pas mettre toutes les options sur la table dans une telle situation », a déclaré la docteure Green. « C’est la même chose lorsque vous décrivez les options de chimiothérapie. Vous devez toutes les mettre sur la table si elles sont disponibles, pas seulement une. »

Jocelyn Downie, professeure de droit et de médecine à l’Université Dalhousie à Halifax, a affirmé qu’informer les patients de toutes les options à leur disposition est « un principe fondamental de la loi canadienne sur le consentement ».

« Un amendement qui interdirait de soulever la question serait un amendement cruel et irait à l’encontre des normes statutaires, juridiques et professionnelles bien établies », a-t-elle déclaré jeudi. « Cela refroidirait probablement aussi les discussions sur l’aide médicale à mourir, car les cliniciens pourraient craindre une responsabilité. »

Le Nouveau Parti démocratique a proposé un amendement au comité de la justice de la Chambre des communes pour préciser que le fait de soulever la question avec un patient ne constituerait pas une infraction criminelle. Cet amendement a été rejeté.

Un certain nombre de sénateurs du comité des affaires juridiques ont soulevé des objections à la disposition du projet de loi qui interdirait l’aide à mourir pour les personnes souffrant uniquement de maladies mentales. Ils ont soutenu que cela violerait le droit à l’égalité garanti par la Charte canadienne des droits et libertés et ont prédit que cette clause finirait par être invalidée par les tribunaux.

Le sénateur Stan Kutcher, un psychiatre membre du groupe des sénateurs indépendants, a demandé à la ministre Qualtrough si le gouvernement pouvait envisager un amendement qui supprimerait cette exclusion, en ajoutant plutôt une disposition qui ne permettrait pas l’aide à mourir pour les personnes atteintes uniquement de maladies mentales pendant un an, pendant que des lignes directrices seraient élaborées pour réglementer la manière dont la procédure pourrait être autorisée pour ces personnes.

« Je pense que nous pourrions le faire », a répondu la ministre. « Oui, nous voulons rendre cette loi aussi bonne que possible et nous examinerons très, très sérieusement tout ce que le Sénat nous soumettra. »