(Ottawa) La nouvelle version de la loi sur l’aide médicale à mourir doit tenir compte d’un jugement de la Cour suprême tombé vendredi, selon certains sénateurs.

Un comité sénatorial est à étudier le projet de loi C-7, réponse du gouvernement fédéral au jugement de septembre 2019 de la Cour supérieure du Québec. La juge Christine Baudouin avait tranché en faveur de deux Québécois atteints de maladies dégénératives incurables, Jean Truchon et Nicole Gladu, qui reprochaient à la loi fédérale d’imposer un critère de « mort raisonnablement prévisible ».

S’il assouplit l’accès à l’aide médicale à mourir comme l’imposait le jugement du tribunal québécois, C-7 en exclut les personnes souffrant de maladies mentales. Devant le comité sénatorial lundi matin, le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, a argué que parce qu’il n’y a pas de consensus sur le sujet, la question des maladies mentales doit être étudiée davantage.

« C’est une exception créée par l’incertitude scientifique. Ce n’est pas une exception créée par un manque d’empathie ou un manque de compassion », a offert le ministre aux sénateurs.

Or, vendredi dernier, la Cour suprême du Canada a tranché en faveur d’un Ontarien, estimant qu’il avait subi de la discrimination à cause de ses problèmes de santé mentale. L’homme a réussi ainsi à faire retirer son nom du registre des délinquants sexuels de l’Ontario.

Lundi, deux sénateurs, le conservateur Claude Carignan et le progressiste Pierre Dalphond, ont cité au ministre Lametti ce jugement qui rappelle l’interdiction de la discrimination en raison de la santé mentale.

« Comment le gouvernement voit une justification à nier le droit à l’égalité aux personnes souffrant de maladies mentales ? » a demandé le sénateur Dalphond, se référant au jugement de vendredi.

« Tout porte à croire que ce sera encore invalidé », a dit le sénateur Carignan à propos du projet de loi de C-7. « C’est un peu gros comme motif de discrimination de vous entendre dire “il n’y a pas de consensus, donc on discrimine” », a reproché le sénateur au ministre Lametti.

« J’espère que ça va être une mesure temporaire », a réitéré le ministre, soulignant que la loi doit être éventuellement révisée et que la maladie mentale sera alors à l’étude.

En attendant, le ministre est convaincu que C-7 passera le test des tribunaux, « même après la décision de la Cour suprême de vendredi ».

« C’est une exclusion très mince […] et donc, nous croyons que c’est constitutionnel. […] On prévoit des changements après avoir étudié la question comme il faut », a-t-il dit.

Le sénateur Dalphond a exigé un avis juridique neuf révisé, tenant compte du jugement de vendredi, sur la constitutionnalité de C-7. Le ministre s’est engagé à le lui fournir.


M. Lametti a également mis l’emphase sur sa volonté de lancer la révision de la loi « aussi vite que possible », mais il n’était pas en mesure d’assurer que ce soit le cas.

« Je voudrais que ça commence demain », a-t-il confié. « C’est mon opinion personnelle. Je dois convaincre d’autres collègues autour de la table », a-t-il précisé.

Le processus de révision doit aborder d’autres enjeux comme le consentement préalable et la possibilité ou non pour les personnes mineures jugées suffisamment matures de recourir à l’aide médicale à mourir.

Le comité sénatorial a également entendu, lundi, des représentants de l’Association des psychiatres du Canada pour qui l’exclusion des personnes atteintes de maladie mentale est discriminatoire et stigmatisante.

Plusieurs sénateurs ont aussi fait part de leurs objections à cette disposition de la loi, soulignant que pour les patients n’étant pas en situation de mort prévisible cela représenterait un autre obstacle à leur démarche.