(Montréal) Les cas de transmission humaine du nouveau coronavirus (nCoV) qui circule en Asie annoncés lundi par le gouvernement chinois n’ont rien d’étonnants, assurent deux experts consultés par La Presse canadienne.

« Une transmission interhumaine n’est pas surprenante, a dit le docteur Jasmin Villeneuve, de l’Institut national de santé publique du Québec. On s’en doutait avec les dernières informations. Étant donné que le nombre de cas a augmenté, il y a des expositions un peu différentes. »

Ce n’est pas surprenant qu’il puisse y avoir de la transmission interhumaine. La question est de savoir à quelle intensité et à quel niveau.

Le Dr Jasmin Villeneuve, de l’Institut national de santé publique du Québec

Un responsable chinois, Zhong Nanshan, a indiqué que deux personnes ont été infectées par un proche malade dans la province du Guangdong, dans le sud du pays, selon la presse officielle.

La Commission nationale de la santé rapporte de son côté que quelques travailleurs de la santé ont été infectés par le virus, selon le quotidien de langue anglaise China Daily.

La transmission humaine pourrait permettre au virus de se propager plus rapidement et plus largement. L’éclosion aurait commencé dans le marché de fruits de mer en plein air Huanan de la ville de Wuhan, dans le centre de la Chine.

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Le marché de fruits de mer de Huanan a été fermé par les autorités sanitaires chinoises. L’épidémie pourrait avoir commencé dans cet endroit très achalandé.

M. Zhong a dit que les deux patients de la province du Guangdong n’avaient pas visité Wuhan, mais que des membres de leur famille y étaient eux allés.

C’est dans un scénario d’augmentation/progression continue. Il est très probable que, à ce point, ça continue de s’amplifier au moins pour un temps.

Le Dr Gary Kobinger, chercheur au département de microbiologie-infectiologie et d’immunologie de l’Université Laval

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Le Dr Gary Kobinger, chercheur au département de microbiologie-infectiologie et d’immunologie de l’Université Laval, à Québec.

200 personnes infectées en Chine, trois cas dans les pays voisins

Quelque 200 personnes ont jusqu’à présent été infectées par le nCoV, selon la Chine, mais des experts internationaux croient que le nombre réel de victimes est nettement plus élevé. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) se réunira d’urgence mercredi pour discuter de la situation.

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Des gardes de sécurité devant le marché des fruits de mer de Huanan, qui a été fermé par les autorités sanitaires chinoises.

La télévision officielle chinoise faisait état lundi de 19 nouveaux cas, soit cinq à Pékin et 14 dans le Guangdong. Sept cas présumés ont été détectés ailleurs au pays, notamment à Shanghaï.

Au moins trois infections ont aussi été repérées en Thaïlande et au Japon. Toutes sont associées à de récents déplacements en Chine. La Corée du Sud a témoigné lundi d’un premier cas, celui d’une Chinoise de 35 ans qui arrivait de Wuhan. La femme a été placée en quarantaine dans un hôpital de la ville d’Incheon.

Plusieurs questions sans réponse

« L’opportunité pour contenir l’épidémie très localement semble passée, a ajouté M. Kobinger, qui est également membre d’un comité-conseil de l’OMS. Il s’agit d’un coronavirus, donc rien d’affolant, mais les mesures de détection et réponse au niveau international sont maintenant utiles et parfois nécessaires. »

Le cas détecté au Japon est celui d’un homme d’une trentaine d’années qui avait visité Wuhan, mais non le marché de fruits de mer Huanan ou des marchés d’animaux vivants, a dit l’OMS. Il a toutefois indiqué avoir eu un contact étroit avec une personne atteinte de pneumonie.

Malgré les plus récents développements, a dit le docteur Villeneuve de l’INSPQ, plusieurs questions demeurent toujours sans réponse au sujet du nCoV.

« Peut-être que le virus n’est pas très efficace (pour se transmettre), et quand il tombe dans une personne qui est très sensible, il va infecter, a-t-il précisé. On sait que des gens ont été très malades, il y a eu des décès, mais un simple rhume peut faire mourir des gens qui ont des problèmes chroniques. Donc est-ce qu’il est sévère par lui-même, le virus, ou parce qu’il tombe chez des gens très fragiles ? À date, on ne le sait pas. »

Le nCoV est étroitement apparenté au virus du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), qui avait fait quelque 800 morts à travers le monde en 2002-2003, dont 44 au Canada.

À ce sujet, le docteur Villeneuve rappelle que certains patients porteurs du SRAS étaient des « supertransmetteurs » qui ont infecté plusieurs personnes, tandis que d’autres patients n’ont infecté personne. Reste maintenant à voir si le même phénomène se produira cette fois encore.

« Il y a encore plusieurs questions en suspens », a-t-il admis.

En date du 17 janvier, le gouvernement au Canada estimait en ligne que « le risque pour les Canadiens qui visitent Wuhan est jugé faible ». On recommandait de « prendre les précautions sanitaires habituelles en voyage ».

Plusieurs pays d’Asie et trois aéroports américains ont commencé à filtrer les passagers aériens qui arrivent du centre de la Chine. Les autorités canadiennes de la santé publique ont également renforcé leurs mesures de surveillance.

Le médecin hygiéniste en chef du Canada, la docteure Theresa Tam, a annoncé lundi que des panneaux de signalisation supplémentaires seraient mis en place dans les prochains jours aux aéroports de Montréal, Toronto et Vancouver. Il y aura également des questions de dépistage supplémentaires aux bornes automatisées de contrôle frontalier pour demander aux voyageurs s’ils se sont rendus dans des régions où le coronavirus est présent et s’ils présentent des symptômes semblables à ceux de la grippe.