(Québec) Les médecins devront renoncer aux 30 000 $ offerts pour superviser les infirmières praticiennes spécialisées, dites superinfirmières, si le projet de loi 43 est adopté.

Cependant, ils pourront récupérer ce montant en prenant en charge plus de patients, a déclaré la ministre de la Santé, Danielle McCann, en conférence de presse mercredi pour présenter son projet de loi.

Le projet de loi 43 — déposé en Chambre puis immédiatement salué par plusieurs acteurs du réseau — doit mettre fin à la tutelle exercée par les médecins sur les superinfirmières et permettre à celles-ci de poser des diagnostics, déterminer des traitements et prescrire des médicaments.

Actuellement, les superinfirmières peuvent effectuer certaines tâches, dont le renouvellement d’ordonnances, sous la supervision d’un médecin avec qui elles sont jumelées. Elles posent des « hypothèses de diagnostic » pour six maladies chroniques, mais l’hypothèse doit être confirmée dans les 30 jours par un médecin, qui arrondit ainsi sa rémunération.

« Ce que nous allons économiser dans la supervision des superinfirmières, nous allons le réinvestir dans les médecins, pour qu’ils prennent de plus en plus de patients », a résumé la ministre McCann en anglais.

Rappelons que le gouvernement Legault veut revoir le mode de rémunération des omnipraticiens. Il souhaite que les médecins de famille soient rémunérés en fonction du nombre de patients pris en charge, plutôt qu’en fonction des actes médicaux posés. Mme McCann espère parvenir à une entente avec eux d’ici Noël.

Mercredi, elle a soigneusement évité de parler de la rémunération des superinfirmières, qui seront bientôt appelées à effectuer plusieurs nouvelles tâches. « Si l’on augmente leur champ de pratique, la question se pose », a souligné en mêlée de presse Luc Mathieu, président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

« Je pense qu’il faut y aller en étant équitable pour tous les professionnels, y compris cette nouvelle professionnelle qui est l’infirmière praticienne spécialisée », a renchéri le président du Collège des médecins, Mauril Gaudreault. Les superinfirmières québécoises gagnent en moyenne 100 000 $ par année.

Plus de pouvoirs aux superinfirmières

Danielle McCann avait déjà annoncé en mai dernier son intention d’accroître l’autonomie des superinfirmières par voie législative. Elle croit que le projet de loi 43 se traduira pour les patients par un meilleur accès au réseau de la santé.

En clair, si la pièce législative est adoptée, les patients pourront se fier aux superinfirmières pour traiter tous les problèmes de santé courants (otites, infections, blessures, etc.), de même que les maladies chroniques (ostéoporose, arthrite, arthrose, migraines, par exemple). On pourra aussi les consulter pour des cas de pédiatrie, de santé mentale et pour des suivis de grossesses notamment.

Les superinfirmières pourront également poser des actes plus administratifs, tels que délivrer un certificat de retrait préventif pour un travailleur exposé à un contaminant. Si elles sont confrontées à un cas plus complexe (multipathologie, cancer ou autre), elles devront alors inviter le patient à consulter un médecin.

« Ça pourrait dégager autour de 25 % du temps des médecins qui sont impliqués dans la supervision des infirmières praticiennes spécialisées », a déclaré la ministre McCann.

Selon elle, les superinfirmières seront en mesure de dispenser 80 % des soins et des services auxquels s’attendent les patients en première ligne.

Les superinfirmières sont des professionnelles de la santé qui doivent détenir une maîtrise en sciences infirmières, plus un diplôme complémentaire en science médicale, suivis d’un stage de 950 heures.

Il y a actuellement 600 infirmières praticiennes spécialisées au Québec, exerçant leur profession dans les Groupes de médecine familiale (GMF), les CLSC et les hôpitaux.

Le gouvernement précédent s’était fixé un objectif : en compter 2000 d’ici 2023-2024. L’objectif est maintenu par le gouvernement actuel.

Projet de loi 43 en bref

Le projet de loi permettrait aux superinfirmières d’exercer les activités suivantes :

- diagnostiquer les maladies courantes ;

- prescrire des examens diagnostiques ;

- utiliser des techniques diagnostiques invasives ou présentant des risques de préjudice ;

- déterminer des traitements médicaux ;

- prescrire des médicaments et d’autres substances ;

- prescrire des traitements médicaux ;

- utiliser des techniques ou appliquer des traitements médicaux, invasifs ou présentant des risques de préjudice ;

- effectuer le suivi de grossesses normales ou à faible risque.