Alors que 40 % des aînés prennent cinq médicaments ou plus — une situation qui inquiète — un logiciel développé par des chercheurs montréalais a permis de diminuer la médication de la moitié des participants à une étude, révèle cette récente analyse portant sur l’efficacité de l’outil.

Pourquoi se préoccuper du nombre de médicaments avalés par les 65 ans et plus ? Parce que cela peut être dangereux pour eux, répond tout de go la docteure Emily McDonald.

Médecin à la Division de médecine générale interne du CUSM à Montréal, elle est aussi chercheure à l’Institut de recherche du CUSM. Elle a créé l’outil MedSécure avec Todd Lee, chercheur au même endroit et professeur agrégé de médecine à l’Université McGill.

Non seulement il y a un risque de complications, ou d’effets indésirables en raison d’interactions entre les divers médicaments, mais aussi entre certains médicaments et des conditions médicales. On parle ici d’hospitalisations, de problèmes de mémoire, d’étourdissements, de pertes d’équilibre et donc de chutes et de fractures.

Un problème fréquent, insiste la docteure : « c’est l’une des causes les plus communes des visites à l’hôpital ».

« Chez les aînés, (le nombre de) personnes avec une polypharmacie — la prise de plusieurs médicaments — a augmenté de façon énorme ces dernières années », souligne-t-elle en entrevue. On parle d’une prise de 5, 10 voire 15 médicaments.

Des listes de médicaments potentiellement inappropriés pour les personnes âgées existent déjà. Mais elles sont très longues et cela prend du temps : « Effectuer un bilan de prescription s’avère une démarche complexe pour les équipes interprofessionnelles, et implique souvent des décisions compliquées », explique la chercheure.

Elle a voulu trouver une solution.

Ce qui a donné naissance à MedSécure : une solution informatique, qui vérifie tous les croisements entre les divers médicaments et les conditions d’un patient et qui offre des recommandations : arrêter ou diminuer, de façon sécuritaire. Spécifiquement conçu pour les aînés, le logiciel peut être utilisé par des médecins, des pharmaciens et des infirmières praticiennes.

L’étude sur l’efficacité

Il s’agit de l’une des plus importantes études sur la déprescription jamais réalisées en soins aigus en Amérique du Nord, indique l’équipe de recherche.

Son but était de voir si l’outil est utile pour diminuer le nombre de médicaments, et s’il est sécuritaire : « souvent, des cliniciens ne veulent pas arrêter la prise d’un médicament, car ils ont peur de causer des effets secondaires pour le patient en retirant le médicament », dit Mme McDonald.

Elle a été menée avec plus de 1000 patients de 65 ans et plus hospitalisés dans quatre unités de soins à Montréal, Ottawa et Toronto. Elle a été réalisée par une équipe de spécialistes de McGill, de Toronto et d’Ottawa comptant des chercheurs en gériatrie, des pharmaciens, des internistes et d’autres avec une expertise en toxicité, et à laquelle a participé la Dre McDonald et son collègue Todd Lee.

Résultat : les conclusions de l’étude avancent qu’un plus grand nombre de patients ont vu le nombre de leurs médicaments réduit lorsque le logiciel a été utilisé.

D’abord, il a détecté que 82 % des patients prenaient un médicament potentiellement inapproprié ou nocif. Ce n’était pas forcément le cas, mais le drapeau rouge soulevé requérait une intervention d’un médecin pour réviser le tout.

Puis, les chercheurs ont comparé les résultats du groupe qui a reçu les soins habituels de l’hôpital et le groupe qui a bénéficié du logiciel.

Un total de 54,7 % des patients qui ont vu leur situation analysée par le logiciel ont eu au moins un de leurs médicaments déprescrits à leur sortie de l’hôpital contre 46,9 % dans l’autre groupe. Il s’agit d’une différence de 8,3 %, en valeur ajustée.

Il est à noter que l’étude a été menée dans des hôpitaux où travaillent des pharmaciens, expérimentés pour détecter les problèmes de médication. Le logiciel pourra peut-être même générer des résultats plus marqués dans des milieux de soins sans pharmaciens.

Emily McDonald croit donc que l’outil sera particulièrement utile dans les maisons d’hébergement de soins de longue durée.

Il sera d’ailleurs bientôt déployé dans les unités de soins de longue durée du Nouveau-Brunswick, ainsi que dans plusieurs établissements en Ontario. Au Québec, Dre McDonald travaille pour mettre sur pied un projet pilote à l’Hôpital de Lachine.

Et en ce qui concerne la sécurité du logiciel, l’équipe de recherche a fait des entrevues avec les patients et les familles un mois après leur congé d’hôpital. « Il n’y a pas eu d’augmentation des effets indésirables », note Dre McDonald. « C’est sécuritaire ».

L’étude a été publiée en septembre dans le « Journal of the American Geriatrics Society ».