L'Institut de cardiologie de Montréal dirige une étude internationale regroupant 5000 patients de 12 pays sur la colchicine, un médicament utilisé pour traiter la goutte et la péricardite qui pourrait prévenir la récidive après une crise cardiaque. Les résultats pourront être appliqués en clinique immédiatement s'ils sont positifs, parce que la colchicine est peu coûteuse et a peu d'effets secondaires.

Propriétés anti-inflammatoires

Dérivée d'une plante poussant en Europe, le colchique d'automne, la colchicine est utilisée contre la goutte depuis l'Antiquité. « Elle a des propriétés anti-inflammatoires », explique Jean-Claude Tardif, directeur de recherche à l'Institut de cardiologie de Montréal, qui dirige l'étude internationale Colcot (Essai de la colchicine sur les résultats cardiovasculaires). « La colchicine est aussi utilisée depuis un certain temps pour traiter l'inflammation de l'enveloppe du coeur, la péricardite. Des résultats sur les animaux ont montré qu'elle pouvait réduire l'athérosclérose, une inflammation qui est responsable de la grande majorité des crises cardiaques. Une petite étude australienne a aussi donné des résultats intéressants. » L'étude australienne Lodoco (colchicine à faible dose), qui portait sur 500 patients, a montré que le risque de récidive diminuait de 67 % après une crise cardiaque avec la colchicine.

1000 patients québécois

Une centaine d'hôpitaux participent à Colcot, notamment 200 patients à l'Institut de cardiologie et plus d'un millier au Québec. Un peu plus du quart des patients, dont la moyenne d'âge dépasse 60 ans, sont des femmes, ce qui reflète le risque accru d'athérosclérose des hommes. Le recrutement - les patients devaient avoir eu une crise cardiaque dans le mois ayant précédé leur inclusion dans l'étude - a commencé au début de 2016 et le suivi terminera à la fin de 2019. « Normalement, sur deux ans, deux ans et demi, on s'attend à ce que 10 % des patients ayant eu une crise cardiaque aient un autre événement », dit le DTardif. Quatre types d'événements cardiaques seront suivis : une autre crise cardiaque, un accident vasculocérébral, une hospitalisation en cardiologie et une angine instable devant être traitée par pontage ou dilatation. La Fondation J. Armand Bombardier annonce ce matin une contribution de 1 million à Colcot.

Prévention

Si les résultats de Colcot sont concluants, la colchicine pourra être testée en prévention, chez des gens qui font de l'athérosclérose ou ont des facteurs de risque pour cette inflammation des artères ou pour les crises cardiaques. « Au sens strict, Colcot ne peut mener qu'à une utilisation pour prévenir une récidive de crise cardiaque, dit le DTardif. Mais on compte bien pouvoir faire une autre étude clinique pour aider les patients à éviter la crise cardiaque. »

Concurrents

D'autres anti-inflammatoires sont en étude clinique, mais ils sont souvent très coûteux. « On parle d'injections et parfois de coûts de 5000 $ à 10 000 $ par année, dit le DTardif. La colchicine coûte moins de 50 cents par jour. Et elle est utilisée en ce moment, ce qui va accélérer son approbation par les autorités réglementaires pour une utilisation clinique. » A-t-elle des effets secondaires ou des interactions ? « Il y en a peu et ils ne sont pas très graves. Entre 5 % et 7 % des patients ont de la diarrhée et il y a des interactions faibles avec certains antibiotiques. »