(Québec) Une commission « Mourir dans la dignité » 2.0 prend forme. Québec annonce une consultation publique transpartisane au cours de la prochaine année sur un élargissement éventuel de l’accès à l’aide médicale à mourir.

« Nous entendons le cri du cœur de nombreux Québécois qui souffrent et qui réclament un élargissement. Nous avons le devoir moral d’y répondre », a affirmé la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, en compagnie de députés des trois partis d’opposition-André Fortin du Parti libéral, Sol Zanetti de Québec solidaire et Véronique Hivon du Parti québécois.

Danielle McCann a rendu public vendredi le rapport d’un groupe d’experts qui recommande
de permettre d’abréger les souffrances des personnes devenues inaptes, comme celles ayant l’alzheimer, lorsqu’elles ont préalablement exprimé leur volonté en ce sens. La Presse avait révélé les conclusions du rapport en juin.

C’est « un rapport très attendu », qui est « la première étape d’un processus de réflexion important », a indiqué Mme McCann. Avec les partis d’opposition, « nous discutons de la manière de tenir la consultation publique et du moment pour la faire ». Il est acquis que ce sera au cours de la prochaine année. La ministre n’a pas pris l’engagement d’adopter une loi pour élargir l’accès aux personnes inaptes d’ici la fin du mandat, plaidant que la consultation doit avoir lieu avant de parler de la suite des choses. Elle dit constater que, « sur le principe, il y a une ouverture de la population » à un élargissement.

Pour Véronique Hivon, marraine de la Loi sur les soins de fin de vie, « la population nous demande ce débat-là, et c’est notre responsabilité d’engager ce débat avec la plus grande ouverture et sensibilité possible ».

Le groupe d’experts propose « de reconnaître et de rendre possible la formulation d’une demande anticipée d’aide médicale à mourir en prévision de l’inaptitude à consentir à ce soin », sous certaines conditions. Il faudrait avoir obtenu le diagnostic d’une maladie grave et incurable avant de pouvoir faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir. On ne pourrait pas la faire alors que l’on est en parfaite santé.

Une personne victime d’un accident vasculaire cérébral de façon tout à fait inattendue, causant des séquelles irréversibles et l’inaptitude, ne pourrait recevoir l’aide médicale à mourir. Car sans diagnostic particulier, elle n’aurait jamais pu faire une demande au préalable, alors qu’elle avait toute sa tête.

Le groupe d’experts est présidé par Nicole Filion, directrice générale des affaires juridiques du Curateur public, et Jocelyn Maclure, de la Commission de l’éthique en science et en technologie du Québec. Il compte une dizaine de membres : des représentants du monde juridique, du milieu de la santé et des patients, notamment.

Rappelons qu’en vertu d’une loi adoptée en 2014 à la suite des travaux de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, seule une personne apte à donner son consentement, qui a une maladie incurable et qui est en fin de vie peut obtenir l’aide médicale à mourir. Une personne souffrant d’alzheimer ou de démence qui se retrouve dans la même situation ne peut l’obtenir parce qu’elle est inapte à exprimer son consentement.

En campagne électorale, la Coalition avenir Québec (CAQ) s’est engagée à tenir des consultations publiques pour qu’une personne puisse faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir au cas où, un jour, elle deviendrait inconsciente de façon irréversible.

Les tribunaux ont bousculé son plan de match depuis. Début octobre, le gouvernement Legault a annoncé qu’il n’interjettera pas appel d’un jugement récent invalidant une disposition de la loi québécoise qui restreint l’accès à l’aide médicale à mourir. Selon une décision de la Cour supérieure du Québec, les personnes atteintes d’une maladie grave et incurable, qui ont de grandes souffrances physiques ou psychologiques et dont le déclin des capacités est avancé, doivent avoir accès à l’aide médicale à mourir même si elles ne sont pas « en fin de vie », l’une des conditions prévues à la loi québécoise qui faisait l’objet de la contestation.

La juge Christine Baudouin invalide cette restriction, comme le critère de la loi fédérale exigeant que la mort du patient soit « raisonnablement prévisible ». Elle a déclaré les deux législations inconstitutionnelles sans « aucune hésitation ». Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé en campagne électorale son intention de ne pas porter le jugement en appel lui non plus.

Le groupe d’experts souligne dans son rapport, comme on le relevait en juin, « que le critère de fin de vie soit remplacé par la notion de trajectoire de fin de vie pour laquelle la mort est raisonnablement prévisible, sans nécessité d’établir un délai précis quant à l’espérance de vie ». Son rapport a toutefois été écrit avant le jugement. Les deux co-présidents ignorent ainsi si leur recommandation passerait le test des tribunaux. Ils n’avaient pas le mandat non plus de trancher à savoir s’il faudrait que le fédéral amende le Code criminel au préalable pour que le Québec puisse mettre en œuvre leur recommandation portant sur les personnes inaptes.

Québec doit remplacer ou abolir purement et simplement le critère de « fin 
de vie » d’ici le 11 mars 2020, comme le demande le jugement. Il pourrait toutefois demander un délai supplémentaire.