(Vancouver) Surjit Garcha était inquiète lorsqu’elle se réveillait le matin avec une douleur de plus en plus importante, mais lorsque des ampoules rouges sont apparues sur son ventre, elle a été si alarmée qu’elle s’est rendue chez son voisin pour tenter de lui expliquer, dans un anglais limité, qu’elle avait besoin d’aide.

Mme Garcha, qui vit seule, ne parle pas assez bien anglais pour pouvoir appeler le bureau de son médecin et elle se sentait plus à l’aise d’aller voir une personne en qui elle avait confiance.

Son voisin l’a emmenée au service des urgences de Delta, en Colombie-Britannique, où Mme Garcha a appris qu’elle souffrait de zona, une infection virale pouvant inclure des complications telles que des cicatrices ainsi qu’une perte de la vision et de l’audition chez les adultes plus âgés.

Mme Garcha, maintenant âgée de 82 ans, a déclaré que la douleur intense était difficile à supporter, mais que ne pas pouvoir comprendre ce qui n’allait pas avec elle la faisait se sentir encore plus vulnérable.

« Les employés qui apportaient de la nourriture aux patients la laissaient devant ma porte parce qu’ils pouvaient attraper ce que j’avais et aucun visiteur ne pouvait entrer dans ma chambre », a-t-elle raconté en punjabi à propos de son expérience d’il y a trois ans.

Le seul réconfort de Mme Garcha a été qu’une infirmière parlait le punjabi, mais ce n’est que lorsque sa fille est arrivée de Seattle, le lendemain, qu’elle a eu son premier contact avec un membre de sa famille.

Des interprètes spécialisés en terminologie médicale sont de plus en plus souvent fournis aux patients dans les plus grands centres du Canada, mais une chercheuse de l’Université de Toronto a déclaré que le manque d’accès à l’interprétation pourrait potentiellement se traduire par des diagnostics manqués et des erreurs médicales, suggérant que les services linguistiques devraient être une priorité.

La Dre Shail Rawal, autrice principale d’une étude qui inclut des données provenant de l’Hôpital général de Toronto et de l’Hôpital Western, a déclaré que les patients atteints d’une maladie chronique et dont les connaissances de l’anglais étaient limitées étaient plus susceptibles de retourner aux urgences ou d’être réadmis à l’hôpital en raison d’une compréhension insuffisante des directives du médecin lors de leur sortie de l’hôpital ou parce qu’ils ne prenaient pas les médicaments nécessaires.

L’étude a été publiée récemment dans le Journal of the American Medical Association et inclut des données relatives à tous les patients sortis des deux hôpitaux souffrant d’affections aiguës, d’une pneumonie et d’une fracture de la hanche, ainsi que d’une insuffisance cardiaque et d’une maladie pulmonaire obstructive chronique, entre janvier 2008 et mars 2016, ce qui représente 9881 patients.

« Nous avons constaté que si vous souffriez d’insuffisance cardiaque et maîtrisiez mal l’anglais, vous aviez plus de risques de revenir à l’urgence dans les 30 jours suivant votre sortie », a déclaré Mme Rawal, professeure adjointe au département de médecine de l’Université de Toronto et médecin de l’University Health Network, qui comprend les deux hôpitaux.

« Les patients dont les compétences en anglais étaient limitées et qui souffraient d’insuffisance cardiaque et d’une bronchopneumopathie chronique obstructive risquaient davantage d’être réadmis à l’hôpital dans les 30 ou 90 jours suivant leur sortie », a-t-elle ajouté.

Pour les patients souffrant de pneumonie ou d’une fracture de la hanche, les données ne montraient aucune différence en ce qui concernait le retour à l’hôpital, quelle qu’était la capacité des patients à parler anglais, a indiqué Mme Rawal.

« Nous pensons qu’il s’agit de maladies aiguës nécessitant un traitement assez standard, qu’il s’agisse d’une chirurgie suivie d’une rééducation ou d’un traitement antibiotique, alors que les deux maladies chroniques nécessitent beaucoup de conseils et de plans de gestion des patients. »

Sur les 9881 patients, 2336 personnes avaient une maîtrise limitée de l’anglais. Près de 36 % d’entre elles parlaient portugais, un peu plus de 23 % parlaient italien, tandis que le cantonais, le mandarin et le chinois étaient les langues principales d’environ 14 % des patients. Le grec et l’espagnol étaient les langues les moins parlées et 18,5 % des langues des sujets d’étude avaient été classées comme « autres ».

Mme Rawal a expliqué que les patients des deux hôpitaux avaient un accès permanent à l’interprétation dans diverses langues par téléphone et qu’une interprétation en personne était également disponible, mais devait être réservée et était généralement proposée pendant les heures ouvrables.

« La qualité des soins ou le niveau d’accès à l’interprétation, à mon avis, ne devraient pas varier en fonction de l’hôpital où vous vous présentez », a-t-elle avancé. « Actuellement, c’est le cas. En fonction de l’hôpital où vous vous rendez dans notre ville, dans notre province ou dans tout le pays, vous aurez différents niveaux d’accès à des services professionnels d’interprétation et je pense que dans un pays aussi diversifié, les établissements devraient répondre aux besoins des patients et de leur famille. »