Sahara Sim se demandait pourquoi je voulais l’interviewer. J’ai presque eu envie de lui dire que c’est parce que je ne savais pas que Sahara était aussi un prénom, et je suis sûr qu’elle aurait ri, parce qu’un rien fait rire Sahara…

Mais non, je veux vous parler parce que vous êtes la préposée aux bénéficiaires de l’année, Sahara…

Elle le savait, bien sûr, elle n’a pas oublié le moment où on lui a donné le prix Daniel-Laferrière (1), du nom du premier lauréat de ce prix décerné par le colloque annuel en soins de longue durée de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM)…

« J’étais sous le choc, se souvient-elle. Je n’y croyais pas. Il a fallu qu’on me donne une petite tape sur l’épaule pour que je me lève et que j’aille sur scène. Ils m’ont donné un trophée… Tu sais, quand les joueuses de tennis donnent un bisou au trophée ? J’ai fait la même chose ! »

Les préposés aux bénéficiaires sont les acteurs de soutien du réseau de la santé. Pas des figurants, bien sûr, mais les « PAB » sont faciles à oublier, dans un système où les premiers rôles sont assurés par les médecins et les seconds rôles, par les infirmières.

Le prix Daniel-Laferrière vise à changer ça, à donner un peu de reconnaissance à ces préposés aux bénéficiaires qui œuvrent en CHSLD.

« Je pensais devenir préposée aux bénéficiaires pour devenir infirmière par la suite, dit Sahara en riant. Mais non, finalement. Quand j’ai commencé le travail de préposée aux bénéficiaires, je suis tout de suite tombée en amour avec ce métier. »

L’IUGM a soumis le nom de Sahara au concours après avoir fait un sondage maison auprès de ses artisans. Quasi unanimement, c’est le nom de Sahara Sim qui a été prononcé. Il semble que la bonne humeur de Sahara soit légendaire, à l’IUGM…

« Je suis très proche des résidants, dit-elle. Quand ils arrivent ici, à l’unité des soins post-aigus, ils ne veulent pas être à l’Institut. Ils se relèvent par exemple d’une opération… J’ai bien fait mon travail quand c’est le contraire, au moment de leur départ, quand ils ne veulent plus partir… »

Il n’est pas rare de voir Sahara chanter et danser avec des résidants dans les couloirs de l’IUGM : « Quand tu peux faire rigoler quelqu’un, la journée va très bien aller ! »

Et elle rit, encore…

Sahara Sim est née dans l’Ouest, à Winnipeg. Est venue à Montréal à 20 ans pour des vacances, n’est jamais repartie : Montréal fut un coup de foudre.

À son arrivée, elle baragouinait le français, un français de high school canadien-anglais. Elle a fait son cours de préposée aux bénéficiaires en anglais, puis elle est venue déposer sa candidature avec son français de Manitobaine, en remarquant l’édifice de l’IUGM sur Queen-Mary…

Dix-neuf ans plus tard, Sahara Sim travaille encore à l’Institut de gériatrie. À ce jour, c’est son seul employeur dans le réseau. Elle a un conjoint, une maison en banlieue, des enfants et un français irréprochable.

Dix-neuf ans plus tard, Québécoise, elle a encore la passion du métier et, quelque part, la passion des vieux qui composent la « clientèle ».

« J’aime beaucoup écouter leurs histoires. Ils ont des histoires incroyables à raconter, vous savez…

— On s’attache ?

— Oh oui. Ce n’est jamais le patient de la chambre 49. Je les connais par leur nom. Et je les écoute. Une dame m’a dit que quand ils vieillissent, les gens âgés ont l’impression de devenir invisibles, qu’on ne les écoute plus. Moi, je les écoute. Je prends le temps… »

Sahara n’a pas grand-chose à dire sur les maux du réseau en général, elle a toujours travaillé à l’Institut de gériatrie, qu’elle décrit volontiers comme une bulle.

Je lui demande, quand même, si elle ne trouve pas un peu ingrat son rôle de préposée aux bénéficiaires, au pied de la pyramide des soins…

Sahara nuance : « On est à la base. C’est nous qui sommes les plus près des gens. On voit leurs comportements qui changent, leurs douleurs. Et on peut le signaler aux infirmières, aux médecins… »

Sahara, philosophe sans le savoir, ajoute cette phrase qui s’applique à tout un tas de choses dans la vie : « Ça prend une bonne base pour que la pyramide tienne… »

(1) Le Concours Aux Petits Soins lance son troisième appel pour le prix Daniel-Laferrière. Il faut bosser en soins de longue durée. Date limite : 30 juin 2019.

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Vélos

Beaucoup de réactions à mes deux chroniques sur le vélo d’il y a quelques jours. Plus particulièrement sur l’incivilité de certains cyclistes, incivilité qui fait peur à nombre de piétons…

Et de cyclistes !

La surprise : des cyclistes ont réagi en déplorant les stops et feux rouges grillés par leurs congénères, le zigzag entre voitures et piétons qui ont droit de passage aux intersections, les slaloms dangereux sur les trottoirs…

La non-surprise ? Les réactions de purs et durs du vélo, dont la défense tient à ceci : « Oui, mais les autos sont plus dangereuses que nous ! »

C’est vrai…

Mais si je puis dire, ce n’est pas ça, le débat.

C’est vrai que l’auto qui grille un feu rouge et qui percute un cycliste, un piéton ou une autre auto risque de causer des dommages autrement importants qu’un cycliste qui renverse un piéton. On ne s’obstinera pas là-dessus.

Alors si l’étalon de mesure de la dangerosité est la mort, bien sûr que l’automobiliste distrait ou téméraire va TOUJOURS être un plus grave problème que le cycliste qui se fout des autres.

Sauf qu’une commotion cérébrale causée par une cycliste qui roule sur le trottoir, ça fait quand même des dégâts et la victime ne se dira jamais, sourire aux lèvres : « Pas grave, ç’aurait pu être un Jeep qui me renverse ! »

On peut pédaler et mâcher de la gomme en même temps, comme on peut travailler pour discipliner les automobilistes…

… et les cyclistes qui se fichent de tout.

Vélo, bis

Autre pensée au sujet du vélo. Comme d’autres cyclistes, je m’autorise une entorse flagrante au Code de la sécurité routière : quand je suis immobilisé à un feu rouge, juste en avant d’un troupeau d’autos et de camions, il m’arrive de « voler » la verte, de partir avant que le feu ne tourne au vert.

Question de survie. On est plus visibles de cette façon que si on part en même temps que le troupeau.

Vous ne comprenez pas ?

C’est que vous ne pédalez pas.

Comme je dis souvent : dans cette ville, les automobilistes devraient obligatoirement pédaler quelques jours par année. Ils comprendraient le sens du mot « vulnérabilité ».