(Montréal) La prise de certains anxiolytiques pourrait augmenter le risque de fausse couche, selon une nouvelle étude à laquelle a participé une experte québécoise.

Les chercheurs ont constaté que le risque de fausse couche pendant le premier trimestre de grossesse bondissait de 85 % — soit de 6 % à 11 % — chez les femmes qui prenaient des benzodiapézines. Cette classe de médicaments contre l’anxiété regroupe des noms aussi connus que Valium, Xanax et Ativan.

L’association entre l’utilisation des benzodiapézines et l’augmentation du risque de fausse couche n’est pas nouvelle et a été constatée par plusieurs autres équipes de recherche. Toutefois, les résultats n’avaient que peu d’utilité en clinique, quant à savoir ce qu’on pouvait prescrire et à quelle dose.

La docteure Anick Bérard, une experte du CHU Sainte-Justine qui compte parmi les sommités mondiales en matière de médication pendant la grossesse, et ses collègues ont étudié des données provenant de plus de 440 000 Canadiennes qui ont été enceintes entre 1998 et 2015.

« En clinique on veut savoir est-ce qu’on prescrit un benzodiapézine, et si oui, lequel est le plus sécuritaire ?, a-t-elle expliqué à La Presse canadienne depuis Paris. Indépendamment du benzodiapézine utilisé, indépendamment du mode d’action, il semble y avoir une augmentation du risque de fausse couche quand ces médicaments-là sont pris en début de grossesse. »

Leur étude portait uniquement sur les fausses couches qui étaient détectables cliniquement — et donc non sur celles qui surviennent avant même que la femme ne réalise qu’elle est enceinte — et ne concernait que les femmes qui recevaient une première prescription de benzodiapézines pendant leur premier trimestre de grossesse.

La taille de leur cohorte leur a permis de raffiner les connaissances dont on disposait déjà, en stratifiant les résultats selon le mode d’action des benzodiapézines : certains sont d’action courte (moins de 24 heures d’action), d’autres d’action plus longue (un effet au-delà de 24 heures), et les chercheurs ont été en mesure de regarder tous les types spécifiques indépendamment de leur mode d’action.

« Des études expérimentales sur des animaux ont démontré que les benzodiapézines […] durant le premier trimestre peuvent interférer avec le développement du fœtus, a dit la docteure Bérard. Les benzodiapézines semblaient interférer avec tous les signaux […] qui arrivent pendant les huit premières semaines de grossesse afin de former le bébé à venir. »

Il n’est toutefois pas possible d’affirmer que c’est ce qui se produit chez l’humain. Malgré toutes les études réalisées sur le sujet, le lien de causalité entre les benzodiapézines et les fausses couches n’a pas encore été prouvé.

Les auteurs de l’étude ont ajusté leurs résultats pour tenir compte de tous les autres facteurs pouvant avoir une incidence sur les fausses couches, mais ils ne disposaient que de données partielles concernant l’impact du tabagisme et de la consommation d’alcool.

Il n’y a pas lieu de paniquer pour le moment, mais les femmes qui s’inquiètent de la situation devraient en discuter avec leur médecin, puisque l’anxiété et l’insomnie qui sont combattues par les benzodiapézines peuvent avoir un impact négatif sur la grossesse.

« Il y a quand même des méthodes alternatives non pharmacologiques pour soulager l’anxiété et les troubles de l’humeur, a rappelé la docteure Bérard. Cette étude-là ne suggère pas de ne pas traiter l’anxiété pendant la grossesse. Je dis toujours que le plus grand pouvoir que la femme enceinte peut avoir c’est d’avoir toute l’information à sa disposition. Le médecin est le mieux placé pour décrire tous les risques, mais aussi tous les bénéfices potentiels, de la prise d’un médicament. […] Si à la fin de la discussion la femme et le médecin décident de prendre un benzodiapézine, ils le feront en toute connaissance de cause. »

Le journal médical JAMA Psychiatry a mis les conclusions de cette étude en ligne cette semaine.