Surchargés de cas, soumis à une pression « insupportable » pour fermer leurs dossiers le plus rapidement possible, les travailleurs sociaux sont souvent incapables de répondre aux demandes de services, ce qui « porte préjudice à la sécurité des enfants ».

À la suite du décès d’une fillette de 7 ans de Granby, qui était suivie par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), ils demandent à Québec une révision rapide, en profondeur, du système de services sociaux.

« On a parfois l’impression que, dans le contexte de surcharge, de pénurie, de coupes budgétaires, les dossiers sont gérés pour éviter de donner des services ! Vous comprendrez que les travailleurs sociaux sont indignés par cette logique industrielle », a dénoncé Guylaine Ouimette, présidente de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ), cet après-midi en conférence de presse.

Les tâches bureaucratiques et administratives sont devenues tellement lourdes que les travailleurs sociaux doivent y consacrer la moitié de leur temps, ce qui diminue d’autant leur présence auprès de la clientèle, fait-elle remarquer.

Les réformes des dernières années ont pratiquement éliminé les services sociaux de première ligne, déplore-t-elle aussi : il y a de moins en moins de travailleurs sociaux dans les écoles et dans les CLSC, où l’on réfère parfois les patients à Info social (service 811), qui à son tour les réfère à l’ordre professionnel, parce qu’il n’a aucune ressource pour y répondre.

« Il y a une explosion de la demande, de plus en plus de gens dans des conditions complexes de dépendance, de pauvreté, de manque de soutien, et il y a une augmentation de cas en centres jeunesse et en santé mentale », poursuit-elle.

La présidente de l’ordre n’a évidemment pas commenté le travail des intervenants responsables du dossier de l’enfant morte ligotée à Granby, préférant attendre les résultats des enquêtes annoncées. Mais elle souhaite que cette triste histoire provoque d’importants changements, en montrant aux élus les dérives qui peuvent découler de l’« effritement des services sociaux ».

Elle demande au ministre délégué à la santé et aux services sociaux, Lionel Carmant, d’organiser une vaste « commission sociale » l’automne prochain, où il invitera des gens de tous les milieux à discuter de la transformation nécessaire du système.

Une « commission-pilote » devrait être créée immédiatement, dans une région représentative, pour développer en quatre mois un modèle réaliste à présenter à la commission québécoise l’automne prochain.

Guylaine Ouimette souhaite aussi l’instauration d’un programme de mentorat pour les nouveaux travailleurs sociaux, souvent confrontés à des cas extrêmement complexes et éprouvants en protection de la jeunesse. Des professionnels retraités pourraient notamment être mis à contribution.

« Il faut solidifier une vraie première ligne de services sociaux, l’heure n’est plus aux petits remaniements ou à l’injection de sommes ici et là », souligne-t-elle.

« Les services sociaux de proximité sont essentiels pour procurer de l’aide rapidement et desservir les gens là où ils sont au moment où ils frappent à la porte. »

Par ailleurs, elle appelle chacun d’entre nous à « retrouver l’art d’être bienveillant envers les gens de notre famille, de notre voisinage, de notre environnement de travail. Nous devons tous jouer notre rôle dans le filet social qui protège les personnes vulnérables. »