Au cours des deux dernières années, 8848 Québécois se sont vu refuser une inscription auprès d'un médecin de famille pour cause de rendez-vous manqué, révèlent des données de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ).

Le phénomène des « no-show » chez les omnipraticiens a pris une telle ampleur que, début novembre, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a décidé de limiter à deux le nombre de fois où un patient peut refuser un premier rendez-vous ou ne pas s'y présenter avant de se voir retirer de la liste d'attente du Guichet d'accès à un médecin de famille (GAMF). Jusqu'à maintenant, aucune règle uniforme n'existait à ce sujet dans les GAMF de la province.

« Les médecins se sont beaucoup plaints de cette situation. Dans le contexte où tout le monde veut que l'on soit plus accessibles, c'est toujours frustrant d'avoir des patients qui ne se présentent pas à leur premier rendez-vous sans avertir », note le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Louis Godin.

Chaque année, environ 300 000 nouveaux patients se voient attribuer un médecin de famille au Québec par l'entremise des GAMF. 

« C'est sûr que 9000 patients qui refusent des rendez-vous en ne se présentant pas, ça peut sembler peu. Mais c'est 9000 Québécois qui voulaient une place qui ont vu leur attente se prolonger », affirme M. Godin.

Au MSSS, on explique que les établissements gérant les GAMF ont remarqué que des patients qui demeurent en attente depuis des années « sont souvent ceux qui ont refusé l'attribution de médecin ». Afin d'aider les GAMF à épurer leurs listes d'attente, Québec est venu préciser certaines règles, notamment en limitant à deux le nombre de refus possibles.

Phénomène en hausse

Médecin en Outaouais depuis 10 ans, la Dre Mélanie Lacasse estime que le problème des « no-show » augmente depuis quelques années. « Les pires journées, jusqu'à huit patients par médecin peuvent ne pas se présenter à un rendez-vous sans avertir », souligne la Dre Lacasse, qui est responsable du groupe de médecine de famille de la Basse-Lièvre.

Depuis septembre, la Dre Lacasse et ses collègues ont recensé 638 « no-shows » dans leur clinique. Et ce, même si l'établissement possède un numéro de téléphone et une boîte vocale où les patients peuvent facilement annuler leur rendez-vous et qu'un système de rappels par texto et courriel est en place. « Certains patients confirment leur rendez-vous et ne viennent pas, constate la Dre Lacasse. C'est dommage, ce sont des plages que je ne peux pas offrir à d'autres patients qui en auraient besoin. »

Dans un sondage mené auprès de ses membres en 2017, la FMOQ a évalué que de 5 % à 10 % des patients ratent leur rendez-vous sans prévenir. Dans les trois quarts des cas, il s'agit de simples oublis. Le rapport notait que 22 % des médecins ayant répondu au sondage ne disposaient pas d'un système permettant aux patients d'annuler facilement leur rendez-vous.

Président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet refuse que les patients qui ne se présentent pas à leur rendez-vous soient blâmés. « C'est facile de taper sur le petit monde. Mais le problème est une goutte d'eau dans l'océan », affirme-t-il. M. Brunet ne comprend pas pourquoi l'on s'acharne à parler des patients non assidus alors que d'autres problèmes sont plus urgents. 

« Ce n'est pas vrai qu'on va traiter les patients comme s'ils étaient le gros du problème, alors que souvent, ce sont les médecins et le système qui font que l'on ne se présente pas. On a déjà de la difficulté à se faire soigner. Pourquoi nous taper dessus encore ? »

« On ne veut pas mettre le blâme sur les patients, assure le Dr Godin. Mais même si c'est juste 5 % d'entre eux qui ne se présentent pas à leur rendez-vous, on parle de dizaines de milliers de rendez-vous non faits, alors que les médecins ont beaucoup de pression pour voir le plus de patients possible et que plusieurs patients attendent. »