Un portrait inédit de l'autisme au Québec révèle une iniquité probable dans la détection et dans l'offre de services aux enfants selon la région dans laquelle ils vivent.

L'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) vient de publier une étude qui met en lumière une grande différence dans la prévalence du trouble du spectre de l'autisme (TSA) chez les enfants selon les régions du Québec.

« Cette différence entre les régions nous fait penser qu'on identifie moins, qu'on diagnostique moins et probablement qu'on n'offre pas les mêmes services dans certaines régions par rapport à d'autres », explique le psychiatre Alain Lesage, porte-parole de l'INSPQ sur la question des troubles mentaux et des maladies neurologiques.

La prévalence du TSA varie considérablement d'une région à l'autre, et va de 0,7 % à 1,8 % chez les personnes de 4 à 17 ans, souligne l'INSPQ dans son étude publiée hier sur son site internet.

« Il n'y a pas de raison de penser que le nombre potentiel d'enfants et d'adolescents TSA est si différent d'une région à l'autre. »

Au Québec, on dénombre près de 17 000 enfants ayant un TSA, selon les plus récentes données dévoilées hier.

Pour l'ensemble du Québec, la prévalence du TSA s'établit à 12 pour 1000 enfants, soit 19/1000 chez les garçons et 5/1000 chez les filles. Cela équivaut à un ratio de près de quatre garçons pour une fille.

C'est en Montérégie que la prévalence est la plus élevée, selon les données du Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec, dont s'est servi l'INSPQ pour réaliser ce portrait. L'Abitibi a la prévalence la plus basse.

Les cas augmentent de façon importante et constante dans toutes les régions du Québec depuis une quinzaine d'années, concluent les chercheurs de l'INSPQ.

« Si la tendance se maintient, cela va encore augmenter. On ne voit pas de plateau clinique pour l'instant », précise le Dr Lesage.

« Cette différence entre les régions nous interpelle beaucoup, ajoute-t-il. Les parents des différentes régions devraient poser des questions. »

À certains endroits, un diagnostic de « difficultés langagières » est donné plutôt que celui de TSA, affirme le médecin psychiatre.

Pas un phénomène propre au Québec

L'écart entre les régions peut aussi s'expliquer par la sensibilisation de la population par rapport à cette problématique, qui varie d'une région à l'autre, ainsi que par la migration des familles avec un enfant TSA pour accéder aux services médicaux et scolaires.

Ce n'est pas un phénomène unique au Québec. Les résultats québécois sont cohérents avec ceux d'une étude australienne qui justifiait la faible prévalence des TSA dans les zones rurales par un manque de services offerts, écrivent les chercheurs de l'INSPQ dans leur étude.

Autre fait qui préoccupe les chercheurs : avec 75 décès observés sur une période de 15 ans, le taux de mortalité chez les personnes avec un TSA est trois fois plus élevé que dans la population générale sans TSA.

La Fédération québécoise de l'autisme, qui milite pour l'amélioration des services offerts aux personnes ayant un TSA, n'était pas en mesure de commenter l'étude, hier, a indiqué à La Presse sa directrice Jo-Ann Lauzon, puisqu'elle n'avait pas eu le temps de la consulter.

En mars dernier, le gouvernement de Philippe Couillard a dévoilé son plan d'action sur le trouble du spectre de l'autisme, qui propose 35 actions totalisant 29 millions de dollars par année jusqu'en 2022 afin de soutenir cette clientèle.

La liste d'attente d'enfants de 0 à 5 ans pour les services d'aide en TSA, dont des services d'intervention comportementale intensive, diminuera de 45 %, a promis le gouvernement Couillard.

Une autre différence

L'étude de l'INSPQ révèle une différence marquée entre certaines régions, mais aussi entre les données du Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec (SISMACQ) et celles du ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur (MEES) pour quelques régions (Estrie, Bas-Saint-Laurent et Outaouais).

Ainsi, en 2014-2015, pour tout le Québec, on dénombrait 16 010 enfants autistes selon le SISMACQ, mais 13 275 enfants selon le MEES. Il y a donc 2735 cas de plus au SISMACQ, qui pourraient être surtout des cas légers (Asperger, TED-NS) qui ne reçoivent pas de services à l'école, selon l'INSPQ.

Toutefois, toujours selon l'IBSPQ, pour les régions où l'écart est le plus marqué, il se peut aussi que les élèves : 1) ne répondent pas à tous les critères du MEES ; 2) soient en attente de diagnostic ; 3) avec double diagnostic soient déclarés sous un autre code de difficulté ; 4) ne soient pas inscrits dans une école au 30 septembre, mais présents les mois suivants ; 5) soient inscrits dans une école privée.