Estimant que les frais accessoires menacent sérieusement l'accessibilité aux soins au Québec, Me Jean-Pierre Ménard, avocat spécialisé dans la défense des droits des patients, a écrit à la nouvelle ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, pour lui demander une «intervention énergique afin d'éviter que les piliers du système de santé canadien ne soient irrémédiablement et durablement fragilisés».

Le 10 novembre, Québec a adopté le projet de loi 20 dans lequel un amendement vient normaliser les frais accessoires. La liste des frais autorisés sera publiée au cours des prochains mois dans un règlement.

Or, selon Me Ménard, cette décision «va à l'encontre des lois actuelles», dont la Loi canadienne sur la santé. «C'est un net recul pour les patients. On ne peut pas continuer d'aller dans cette direction», dit-il.

Un problème qui prend de l'ampleur

Dans sa lettre envoyée à la ministre le 3 décembre et obtenue par La Presse, Me Ménard précise qu'au moins 113 cliniques privées «pratiquent la surfacturation [...] et ce nombre est en croissance continue, vu la complaisance des autorités du système de santé québécois».

Me Ménard déplore le fait que la décision d'ouvrir la porte aux frais accessoires ait été prise «sans réel débat public» et que l'amendement les encadrant ait été inséré dans un projet de loi portant sur un tout autre sujet.

Me Ménard estime que le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, se trompe en disant qu'il y a une acceptabilité sociale autour des frais accessoires. «Si les citoyens du Québec payent ces frais, c'est qu'ils n'ont pas le choix en raison de l'inefficience du système public», écrit-il.

Pour Me Ménard, permettre les frais accessoires «crée une inégalité d'accès aux services médicaux», et le gouvernement fédéral doit intervenir pour y mettre fin.

Faire payer les médecins

Me Ménard rappelle que depuis 2010, la rémunération des médecins augmente en moyenne de 7% au Québec - une hausse qui se situe « bien au-delà de l'accroissement des salaires de la majorité des citoyens du Québec». «Il est donc inéquitable de faire supporter par les patients les coûts du fonctionnement des cliniques pour assurer une rémunération encore plus profitable aux propriétaires de ces cliniques», écrit l'avocat.

Me Ménard demande donc à la ministre Philpott de faire cesser la pratique des frais accessoires, «ce qui peut inclure tout recours judiciaire pertinent», et propose de mettre en branle un processus pour retenir les sommes dues en transferts fédéraux en santé. Selon Me Ménard, les autorités fédérales et provinciales «ne peuvent plus pratiquer la politique de l'autruche et faire semblant que la situation actuelle est acceptable».

Les ministres de la Santé provinciaux seront réunis en conseil fédéral demain. Me Ménard espère que le sujet des frais accessoires y sera abordé.

«Nous aurons l'occasion de discuter prochainement de plusieurs enjeux avec nos partenaires, incluant les frais accessoires», a affirmé l'attaché de presse de la ministre Philpott, Andrew MacKendrick.

Au cabinet du ministre Barrette, on affirme plutôt que le sujet des frais accessoires «n'est pas à l'ordre du jour» de la rencontre de demain.