À quelques semaines de la fin de l'entente controversée qui permet aux médecins d'opérer des patients du réseau public à la clinique privée Rockland MD, voilà que l'hôpital du Sacré-Coeur doit fermer des salles d'opération à près de 40 reprises au cours des deux prochains mois à cause d'un manque d'infirmières. Plus de 115 interventions chirurgicales seront reportées.

Un dur rappel que la pénurie de personnel infirmier dans le réseau public de la santé est encore criante.

À Sacré-Coeur, quelque cinq infirmières du bloc opératoire manquent à l'appel. Certaines sont en congé de maternité, d'autres sont malades, une a été victime d'un accident de voiture. Le manque de personnel est tel dans l'établissement que ces cinq absences, dont plusieurs sont imprévues, suffisent pour forcer 39 fermetures de salle d'opération au cours des deux prochains mois. On prévoit le report d'au moins 115 interventions chirurgicales, confirme la direction de l'hôpital. Peut-être plus.

«Ça étire les listes d'attente, confirme la porte-parole Josée-Michelle Simard. Au bloc opératoire, dès qu'il manque une infirmière, il faut réorganiser. Alors quand il en manque plus qu'une ou deux, ça engendre des difficultés.»

La formation des infirmières qui travaillent en chirurgie dure plusieurs mois, explique-t-elle. Impossible, donc, de demander à des employées des autres services ou à des infirmières venues d'agences de placement de remplacer au pied levé.

Deux coups durs

Ce n'est pas la première fois qu'un hôpital doit fermer des salles d'opération faute de personnel pour y travailler. Mais 39 fermetures, c'est énorme, nous dit-on à l'interne.

Surtout que la nouvelle tombe à moins d'un mois de la fin de l'entente qui permet depuis 2008 à l'hôpital de louer des salles de chirurgie et du personnel infirmier à la clinique privée Rockland MD afin de désengorger son propre bloc opératoire. Quelque 2000 opérations d'un jour sur des patients du réseau public y sont effectuées annuellement.

À la demande du ministre Gaétan Barrette, dont l'attaché de presse a expliqué plusieurs fois que l'entente n'avait plus sa raison d'être, Sacré-Coeur doit cesser ses activités à Rockland MD le 31 mars prochain. «Ça ne serait pas responsable de rester au privé alors que la capacité d'accueil des hôpitaux est suffisante», avait expliqué Joanne Beauvais à La Presse en juin dernier.

Le hasard aura voulu que l'établissement se retrouve privé des cinq salles d'opération de Rockland MD au même moment où il subit 39 fermetures de salles d'opération à l'interne. À l'hôpital, l'inquiétude est vive.

Un flou persiste

Et après? Un flou persiste. «On ne sait rien», confie une source.

Une chose est sûre, selon la porte-parole Josée-Michelle Simard, l'hôpital n'arrivera pas à quitter Rockland du jour au lendemain. «Ça ne peut pas se faire d'un coup. On va avoir besoin de quelques mois pour se réorganiser.»

Théoriquement, les chirurgiens de Sacré-Coeur utiliseront ensuite les salles d'opération des hôpitaux Fleury et Jean-Talon, aussi à Montréal, afin de ne pas augmenter les délais d'attente pour les patients qui auraient autrement été opérés à Rockland.

Toutefois, selon une compilation des données du ministère de la Santé faite par une équipe de recherche de la Coalition avenir Québec (CAQ), 1400 personnes attendent déjà une opération à Fleury; on en compte 1100 à Jean-Talon.

À Sacré-Coeur, en excluant les 115 opérations qui seront reportées à cause du manque d'infirmières et les patients qui se retrouveront dans les limbes à la fin du contrat avec Rockland MD, plus de 2000 malades sont sur une liste d'attente, dont 365 depuis plus de 6 mois.

«Tout le monde se demande ce qu'il va arriver, déplore le député François Paradis, porte-parole de la deuxième opposition en matière de santé. On est rendus au 31 mars et on n'a pas encore établi de transition. On laisse des gens dans une espèce de flou. Des gens qui attendent un diagnostic ou un traitement. Des gens qui ont besoin d'être opérés.»

Plus cher, le privé?

L'été dernier, la CAQ a publicisé une étude menée par l'hôpital du Sacré-Coeur voulant que le coût unitaire d'une opération soit 223$ moins cher pour le réseau public lorsqu'elle est effectuée dans le cadre de l'entente avec la clinique Rockland que lorsqu'elle est pratiquée au sein même de l'hôpital. Le ministre Gaétan Barrette a alors demandé qu'une étude indépendante soit menée. Cette étude est terminée depuis plusieurs mois, mais le gouvernement ne l'a toujours pas rendue publique. La CAQ en a fait la demande par l'entremise de la Loi d'accès sur l'information, demande qui a été refusée.