Le Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine est le premier hôpital du Canada à refuser de récupérer le sang de cordon des nouveau-nés si celui-ci est destiné à une banque privée, a appris La Presse. Les mères peuvent donner le sang de cordon de leur poupon à la banque publique d'Héma-Québec. Mais depuis janvier, elles ne peuvent plus conserver ce précieux sang rempli de cellules souches dans une banque privée. L'hôpital justifie sa décision en disant vouloir «protéger le public».

Enceinte de 34 semaines, Fanny (nom fictif) a été choquée d'apprendre cette nouvelle. «Le potentiel des cellules souches contenues dans le sang de cordon est immense. J'ai toujours voulu conserver le sang de cordon de mon enfant, au cas où il en aurait besoin plus tard. Ou au cas où ses frères et soeurs en auraient besoin. Je n'ai pas envie de le donner à la banque publique. C'est mon choix», affirme la future maman.

Alors que le sang de cordon confié à des banques privées reste la propriété des clients, dans la banque publique d'Héma-Québec, le sang de cordon est mis à la disposition de tous, explique le porte-parole d'Héma-Québec, Laurent-Paul Ménard. «La compatibilité avec la fratrie est d'environ 25%. Trouver un donneur compatible, c'est comme gagner à la loto. La banque publique offre beaucoup de chances», dit-il.

Protéger le public

Directeur des services professionnels au CHU Sainte-Justine, le Dr Marc Girard explique que c'est principalement pour protéger le public que son hôpital n'accepte plus de collaborer avec les banques privées. «On n'a aucune capacité de contrôle de la qualité des ensembles de prélèvement qu'ils nous fournissent et de la façon dont les échantillons sont traités ensuite. Pour protéger le public, on veut s'assurer d'avoir des prélèvements adéquats», explique-t-il, tout en ajoutant que les critères de qualité d'Héma-Québec sont rigoureux et connus.

Le Dr Girard ajoute que le personnel du CHU Sainte-Justine était aussi «inconfortable» avec de «fausses promesses» faites par certaines banques privées, comme le fait que les cellules souches sont susceptibles d'être utilisées dès demain pour guérir de multiples maladies, alors qu'on n'en est pas encore là (voir encadré).

Les futures mères qui veulent confier le sang du cordon ombilical de leur bébé à une banque privée doivent débourser en moyenne 2000 $ pour ouvrir leur dossier et payer ensuite 100 $ par année pour l'entreposage de l'échantillon.

Le jour de la naissance, la maman apporte avec elle un ensemble servant au prélèvement du sang de cordon. «Et nous payons pour le transport de l'échantillon vers la banque privée, explique Fanny. Ça ne coûte rien à l'hôpital. Je ne comprends pas qu'on m'enlève ce choix.»

Directrice générale de la banque de sang de cordon privée Cells for Life, Leslie Gallager se dit «déçue» par la décision du CHU Sainte-Justine. «C'est une première au Canada. Je reconnais que toutes les banques privées ne sont pas d'égale qualité. Mais notre banque est accréditée et respecte de hautes normes de qualité. Pourquoi un hôpital prend-il la décision à la place des mères? Les gens doivent pouvoir avoir le choix de donner dans une banque privée ou publique», dit Mme Gallager, qui ajoute que Cells for Life s'assure de ne transmettre que des informations véridiques à ses clientes.

À quelques semaines de son accouchement, Fanny tente maintenant de trouver un autre hôpital où accoucher.

À quoi sert le sang de cordon?

Le sang de cordon est riche en cellules souches, des cellules «mères» qui peuvent se transformer en globules rouges, en globules blancs et en plaquettes et aider dans le traitement de certaines maladies. Actuellement, le sang de cordon et ses cellules souches sont surtout utilisés pour des greffes dans le cas de cancers et de leucémies. Des recherches sont menées afin d'éventuellement utiliser ce produit pour guérir des maladies comme le diabète et le parkinson.