«On veut faire de l'itinérance une priorité nationale de tous les instants. On ne peut plus tolérer l'intolérable, accepter l'inacceptable», a déclaré hier la ministre déléguée aux Services sociaux, Véronique Hivon, en déposant la politique très attendue en matière d'itinérance. Tour d'horizon des mesures, en quatre questions.

Q A-t-on dressé un portrait de l'itinérance?

R Les derniers chiffres de recensement des sans-abri remontent à près de 15 ans. On en avait dénombré autour de 30 000 à Montréal, dont 50% avaient des problèmes de santé mentale. D'ici l'été, Québec veut faire des études de terrain, justement pour circonscrire plus précisément le nombre et le comportement des sans-abri. D'ores et déjà, on sait que 1100 lits étaient disponibles pour les itinérants en hébergement d'urgence dans 34 établissements, qui ont offert un total de 267 000 nuitées. Le taux d'occupation des ressources est stable et tourne autour de 80%.

Q Quelle est la priorité de cette politique?

R Le logement est «la clé» de la lutte à l'itinérance, dit Véronique Hivon. Québec veut notamment élargir l'offre de logement disponible en créant 3250 logements sociaux, dont 500 seront réservées aux personnes en situation d'itinérance. Un taux de 45% de ces logements sociaux sera destiné à Montréal, le lieu où ce problème est le plus criant. Coût de la mesure: 46 millions, dont 20 millions pour Montréal. La formule du logement social «n'est pas une panacée, dit la ministre Hivon, mais c'est certainement une bonne formule». De nombreux groupes sociaux sont d'accord avec la ministre. «Il y a de très belles histoires de succès d'ex-itinérants qui ont réussi à demeurer dans des logements sociaux. Ce n'est pas vrai que ça ne fonctionne pas», dit Marjolaine Despars, du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes (RAPSIM).

Q Et dans le concret, qu'est-ce que ça va changer?

R La politique sera suivie «d'ici quelques mois», dit Mme Hivon, par un plan d'action où on retrouvera plusieurs mesures concrètes en matière de santé, d'éducation, d'aide à l'emploi. «La politique, c'est juste un avant-goût, dit la ministre, mais il faut qu'on connaisse ce plan d'action rapidement, fait valoir François Saillant, du FRAPRU. On ne veut pas revivre le scénario du plan d'action contre la pauvreté, où on a attendu pendant un an et demi.» En attendant, Québec débloque six millions pour rendre permanents «et intensifier» des projets concrets et novateurs tels les deux brigades conjointes policiers et travailleurs sociaux mises sur pied dans les dernières années par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Le projet PRISM, qui offre les services de deux psychiatres à la Mission Old Brewery, est également reconduit, a indiqué Mme Hivon.

Q Comment ont réagi les acteurs du milieu?

R En général, très positivement. «On demandait une politique semblable depuis huit ans. Bien sûr, on veut des réponses concrètes, mais les politiques ont leur importance, elles changent les façons de faire», dit Pierre Gaudreault, du RAPSIM. Jason Champagne, responsable des services en itinérance au CSSS Jeanne-Mance, a bien l'intention de se servir de cet énoncé de politique pour que chaque organisme prenne ses responsabilités concernant les sans-abri. «Par exemple, on aimerait mettre une infirmière à temps plein dans chaque refuge de Montréal», dit-il. Marc Riopel, du SPVM, se réjouit que les brigades EMRII et ESUP, où des policiers travaillent conjointement avec des travailleurs sociaux, soient rendues permanentes grâce aux fonds de Québec. «On va penser pouvoir offrir une plus large plage horaire de couverture», dit-il.

Photothèque Le Soleil

Véronique Hivon