La Cour suprême remet dans les mains d'une commission ontarienne le sort d'un comateux que la famille tient à maintenir en vie.

Hassan Rasouli est dans le coma depuis 2010, une chirurgie pour une tumeur au cerveau ayant conduit à une infection grave. Malgré l'opposition de la famille, ses deux médecins veulent lui retirer le traitement qui le maintient en vie. Ils estiment que sa situation ne s'améliorera jamais et que ce traitement équivaut à de la torture. Ils invoquent que cela les place dans une situation intenable sur le plan déontologique.

Dans un jugement rendu à cinq contre deux, la Cour suprême a décidé de renvoyer le dossier à la Commission du consentement et de la capacité, un organisme ontarien qui existe pour trancher les désaccords entre le médecin et le mandataire d'un patient incapable de prendre des décisions.

La juge en chef Beverley McLachlin, qui a rédigé la décision de la majorité, écrit que la loi ontarienne sur le consentement aux soins de santé, loi qui a créé la commission, s'applique dans le cas de M. Rasouli.

Les médecins soutenaient devant la cour que de retirer un traitement de maintien de la vie n'est pas un traitement en soi. La loi sur le consentement aux soins ne pouvait donc pas s'appliquer, selon eux.

La juge McLachlin choisit plutôt d'accepter une définition plus large du mot «traitement».

Pour ce qui est de l'argument des médecins qui invoquent leur inconfort sur le plan déontologique, la juge McLachlin suppose que d'autres médecins qui n'ont pas le même malaise pourraient prendre en charge le patient.

«Aucun principe juridique ne saurait écarter tous les dilemmes éthiques», écrit la juge.

Ce jugement, centré sur la loi et la commission ontariennes, s'applique en Ontario. C'est dans le Code civil que le Québec dresse les paramètres pour pareille situation. En cas de conflit, le Code civil prévoit qu'un tribunal tranche l'affaire.

Même si la Cour suprême ne fait que confirmer la compétence de la commission ontarienne déjà en place, la famille de M. Rasouli préfère lire dans ce jugement beaucoup plus que ça. «Je suis heureuse pour tous les humains parce que nous sommes, en tant qu'humains, sur le dessus de la pyramide des créations de Dieu», a déclaré Parichehr Salasel, l'épouse de M. Rasouli. La famille de M. Rasouli a invoqué sa religion, l'islam chiite, pour réclamer son maintien en vie.

La famille croit aussi observer chez le comateux des signes de retour à la conscience. «Il est capable de communiquer avec nous avec ses yeux», a assuré sa fille, Mojgan Rasouli, lors d'une rencontre avec les journalistes, à Toronto.

«La cour dit clairement que ces croyances (religieuses) ne peuvent pas être sous-estimées quand vient le temps de prendre une décision éthique pour potentiellement mettre fin à la vie», croit comprendre, pour sa part, Bruce J. Clemenger, président de l'Alliance évangélique du Canada «Même s'il est impératif de tenir compte des croyances du patient et de ses désirs exprimés antérieurement, il ne fait aucun doute que les conséquences d'ordre médical du traitement proposé revêtiront une importance majeure dans l'analyse», écrit pourtant la juge McLachlin. Et la juge de conclure que «la Commission est bien placée pour déterminer si le traitement est ou non dans l'intérêt véritable du patient (...)».