L'insémination au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) d'une femme au passé judiciaire et psychologique trouble soulève de nombreuses questions sur les règles encadrant la sélection des futures mamans, de plus en plus nombreuses depuis l'entrée en vigueur de la gratuité des traitements de procréation assistée.

L'hôpital affirme ne pas avoir le mandat de juger si une femme est «apte ou non à subir un traitement de fertilité». Édith Deleury, présidente de la Commission de l'éthique en science et en technologie du Québec, croit au contraire que l'équilibre des futures mères devrait être un enjeu central pour les cliniques de reproduction. «Il faut penser à l'enfant à venir», dit-elle.

Au CUSM, on suit des règles établies lorsqu'on prend en charge une nouvelle patiente. «Les couples ou les femmes célibataires ayant recours au don de sperme ou d'ovules au Centre de reproduction doivent rencontrer notre psychologue avant d'entreprendre quelque type de traitement de fertilité», dit-on. C'est la même chose dans les autres établissements. Les couples qui n'ont pas besoin d'un don d'ovule ou de sperme n'ont pas à se soumettre à cette évaluation, à moins que le médecin la juge nécessaire, indique Nathalie Lévesque, porte-parole au ministère de la Santé.

Le but de la rencontre avec le psychologue est avant tout d'aider les patients «à se pencher sur les aspects émotionnel, psychosocial et relationnel de l'infertilité et de son traitement, ainsi que d'aborder la question des implications éthiques et familiales liées au fait d'avoir un enfant conçu par un donneur», selon le CUSM. Le rôle du psychologue «n'est pas de présélectionner les patients dans le but de déterminer s'ils vont faire de bons parents». L'établissement précise toutefois qu'il offre de l'aide psychologique ou sociale aux futurs parents qui en ont besoin - des groupes de soutien, une thérapie ou une consultation matrimoniale, par exemple. Dans certains cas - abus d'alcool ou de drogues, certaines psychopathologies -, l'établissement peut retarder le traitement ou se retirer du dossier. Dans le cas qui nous concerne, la patiente a été inséminée malgré plusieurs problèmes psychologiques, un casier judiciaire et des antécédents de violence conjugale.

Selon Mme Deleury, qui se demande si la femme en question est simplement «passée entre les mailles du filet» ou si son cas risque au contraire de se reproduire, il y a place au débat.

«Ça soulève beaucoup de questions. Il faut se demander si on doit ou non empêcher certaines personnes de procréer. Par exemple, dans le cas d'une personne qui présente des troubles de personnalité.»

Le ministre s'en mêle

Interrogé par La Presse à savoir si des règles plus strictes s'imposaient, le nouveau ministre de la Santé, le Dr Réjean Hébert, a fait savoir par l'entremise de son attachée de presse Ariane Lareau qu'il analyserait la situation. «La gratuité des traitements de procréation a fait bondir la demande, note Mme Lareau. Le ministre a pris connaissance du dossier, il va analyser le tout, dans son ensemble.»