La surveillance des médicaments approuvés est négligée par les autorités, selon une nouvelle étude montréalaise. Paradoxalement, cette lacune est attribuable à l'évaluation rigoureuse des nouvelles molécules avant leur approbation.

«Les comités de révision des études pharmaceutiques concentrent généralement leurs efforts sur celles qui présentent le plus de risques pour les cobayes», explique Jonathan Kimmelman, bioéthicien à l'Université McGill, qui est également l'un des coauteurs de l'étude parue en mai dans la revue Science. «Cela signifie qu'ils révisent attentivement les trois premières phases d'études cliniques, avant l'approbation des médicaments. Ils portent moins d'attention à la phase quatre, qui évalue la performance et les effets secondaires du médicament une fois qu'il a été approuvé.»

Du point de vue du cobaye, cette situation est logique: une personne qui achète un médicament peut normalement être rassurée quant à son innocuité. Mais cela peut poser problème en ce qui concerne le système de santé. «Sur le plan des effets secondaires, certains n'apparaissent qu'après l'approbation, quand les médicaments connaissent une distribution de masse», explique M. Kimmelman.

Les gouvernements ont aussi moins d'influence sur les sociétés pharmaceutiques une fois que leurs produits ont été approuvés, selon le biochimiste montréalais d'origine américaine, qui a également publié en 2009 le livre Gene Transfer and the Ethics of First-in-Human Trials: Lost in Translation. «Les autorités médicales ont moins de poids pour influencer les biais de conception des études de phase 4. Le retrait d'un médicament est une action extraordinaire, qui ne peut être justifiée par un problème de conception d'une étude de phase 4.»

Depuis 2004, les études cliniques doivent être enregistrées dès leur lancement si leurs auteurs veulent en publier les résultats dans une revue prestigieuse. Cette obligation s'étend-elle aux études de phase 4? «Pas toujours, surtout quand il s'agit d'études observationnelles, dit M. Kimmelman. Et même avant, les sociétés pharmaceutiques parviennent parfois à tromper la vigilance des comités de lecture des revues en changeant subtilement le paramètre principal mesuré par l'étude.»