À l'instar des pharmaciens, qui réclament des pouvoirs accrus auprès des malades, les infirmières du Québec souhaitent un déploiement étendu et plus rapide des ordonnances collectives. Ces ordonnances, dont les principes de base ont été établis en 2003 grâce à une entente avec le gouvernement et le Collège des médecins, permettent aux infirmières en CLSC de procéder à des tests sanguins, de prescrire la contraception hormonale et d'ajuster des médicaments ou des traitements, notamment pour le diabète ou l'hypertension.

La cadence de leur déploiement dans les groupes de médecine familiale (GMF) sera au centre des discussions du 16e colloque de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), qui s'ouvre aujourd'hui à Montréal. «Peut-on faire mieux et plus rapidement?», se demandera l'Ordre, qui ne manquera pas d'interpeller le gouvernement et les associations de médecins.

Invité par l'OIIQ à exposer son point de vue ce matin, le Dr Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), estime que les ordonnances collectives sont «l'un des outils les plus puissants et les plus utiles pour la prise en charge des patients». «Au départ, il y a eu une certaine résistance des médecins parce que c'est complexe à rédiger, mais les médecins sont ouverts, d'autant plus que les ordonnances ne sont pas réservées aux infirmières bachelières ou praticiennes. Elles sont par ailleurs utiles dans les groupes de médecine familiale avec la participation des pharmaciens. À la rigueur, il faudrait que tous les GMF puissent pratiquer de cette façon avec la collaboration de deux ou trois infirmières.»

Chef de file en matière d'ordonnances collectives, le CSSS Pierre-Boucher, en Montérégie, est doté d'un programme pour soigner la jaunisse (ictère) chez le nouveau-né. Une trentaine d'infirmières réparties dans trois CLSC sont en mesure de dépister la maladie, de la traiter et d'assurer le suivi à domicile. Au CSSS, on explique que cela évite aux mères d'être séparées de leur bébé à sa naissance. «Quand les résultats démontrent qu'il y a une jaunisse, on peut faire la photothérapie à domicile. On peut aussi examiner les bébés, et on a reçu la formation pour indiquer aux parents comment surveiller l'ictère.»

«C'est gagnant-gagnant, tant pour les mères que pour le réseau de la santé, précise Pauline Plourde, directrice des soins infirmiers et des programmes de santé publique de ce CSSS. On a beaucoup d'accouchements dans notre région, ça améliore donc l'accessibilité.» Elle ajoute que plusieurs autres ordonnances collectives sont en cours d'élaboration avec les médecins, dont une qui permettra de préparer les patients à la chirurgie bariatrique. À cela, le CSSS a déjà mis en place un service téléphonique ouvert 24 heures sur 24 pour les mères d'un bébé souffrant d'ictère, dont la cause est une immaturité du foie et qui, mal soigné, peut laisser des séquelles neurologiques.

Ailleurs au Québec, les centres de santé et de services sociaux intègrent peu à peu les ordonnances collectives. Mais il reste du travail à faire pour harmoniser le processus avec les pharmaciens et l'implanter à grande échelle dans les groupes de médecine familiale.