Les spécialistes en médecine nucléaire intentent des recours judiciaires contre la direction du CHUM, qui vient d'approuver la fusion du département de médecine nucléaire avec celui de la radiologie, a appris La Presse. Avec cette décision, la médecine nucléaire ne sera plus un département, mais plutôt un service à l'intérieur de la radiologie. Or, ces deux spécialités sont complètement différentes même si elles servent toutes les deux largement à détecter des maladies, par exemple le cancer.

En raison de cette décision, le Dr Michel Picard, spécialiste responsable de la formation des résidents en médecine nucléaire à l'Université de Montréal, a déjà annoncé sa démission. Le reste de l'équipe, une dizaine de médecins spécialistes, dénonce la fusion, qui selon eux marque un retour aux années 70 en médecine nucléaire. Ils estiment que cela ne laisse présager rien de bon à moyen et long termes pour les patients et l'avancement de cette spécialité.

À la direction du CHUM, personne n'était disponible, hier, pour expliquer les motifs de cette décision. Dans un document daté du 1er mars remis au conseil d'administration, on explique qu'il s'agit d'une «opportunité clinique et organisationnelle» et qu'on attendra le plan de transition du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du CHUM, ainsi qu'un avis, avant de procéder.

Outré par la décision du conseil d'administration, le chef adjoint du département de médecine nucléaire, le Dr Jean-Paul Soucy, a fait parvenir un courriel à tous les membres de son département. Il y explique que ses confrères spécialistes n'ont «jamais été consultés» au sujet de la fusion, «qu'ils ignorent ainsi totalement les modalités prévues pour accomplir cette fusion». En conséquence, écrit-il, le conseil d'administration du CHUM a déjà reçu une lettre l'informant des recours judiciaires qui seront intentés s'il ne fait pas marche arrière.

Joint par La Presse, le Dr Soucy a indiqué que, déjà, depuis quatre ans, l'équipement de son département n'a pas été renouvelé. Étant donné que son équipe et lui n'ont pas été consultés et que le processus se déroule «au mépris des spécialistes en médecine nucléaire du CHUM», a-t-il ajouté, il a déjà remis sa démission au directeur général du CHUM, Christian Paire. Son collègue, le Dr Luc Boucher, refuse lui aussi de continuer à assumer ses fonctions de chef adjoint.

Compréhension différente

Selon la décision déjà entérinée par le conseil d'administration, c'est un radiologiste, le Dr Pierre Bourgouin, qui dirigera le nouveau département de radiologie et de médecine nucléaire. «Les radiologues n'ont pas la compréhension de la médecine nucléaire, dénonce le Dr Soucy. Ça va nous enlever des leviers pour faire avancer la médecine nucléaire.»

À la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), on explique qu'on a préféré jusqu'à maintenant rester neutre sur la fusion. «On nous a demandé de nous immiscer dans la question, et jusqu'à maintenant on a refusé même si on étudie encore le dossier», dit le président, Gaétan Barrette. Il fait toutefois remarquer que le Québec est la seule province à ne pas réunir ses services de radiologie et de médecine nucléaire.

Un autre spécialiste en médecine nucléaire du CHUM, qui a préféré garder l'anonymat de peur de représailles de la direction, estime que le centre universitaire accuse déjà un recul à cause de sa mauvaise gestion. «Le CHUM a été l'un des centres qui ont le moins bien géré la crise des isotopes à cause de son chef nommé par intérim il y a quatre ans, un radiologiste, le Dr Bourgouin. Regardez en comparaison ce qui se fait à Sherbrooke. C'est totalement déplorable quand on sait que nous formons les résidents en médecine nucléaire du Québec.»

En effet, le Québec se démarque depuis quelques années des autres provinces grâce à l'avancement de ses technologies pour détecter plusieurs maladies à l'aide d'isotopes médicaux. Toutefois, à la différence du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS), qui dispose de deux cyclotrons (machine capable de produire des isotopes sans recourir au réacteur nucléaire), le CHUM n'en dispose d'aucun. Le gouvernement a par ailleurs accordé 5 millions cette année au CHUS pour qu'il pousse son expertise sans recourir à l'uranium, et il dispose de caméras de détection à la fine pointe de la technologie.

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