En septembre, une femme de 27 ans est morte à l'hôpital Santa Cabrini (Montréal) au bout de son sang, des suites d'une fausse couche. Depuis, son mari, qui se retrouve seul à la tête d'une famille de six enfants, tente non sans mal d'obtenir des réponses à ses questions.

Le médecin ayant démissionné, l'hôpital Santa Cabrini dit ne plus avoir «l'autorité nécessaire pour traiter (le) dossier» de Soki Syayighosola, morte dans cet établissement en septembre.

 

C'est par lettre que l'hôpital Santa Cabrini en a informé le conjoint de Mme Syayighosola, Talent Bin Hangi.

Soki Syayighosola a succombé à une hémorragie intra-abdominale consécutive à une fausse couche.

Depuis, Talent Bin Hangi se pose des questions. Beaucoup de questions. «Je me demande si ma femme a été soignée convenablement. J'étais au chevet de ma femme entre 5h et 7h du matin. Elle était aux soins intensifs, mais pendant ces deux heures-là, je n'ai pas vu de médecin. Seulement des infirmières. Deux heures plus tard, Soki sombrait dans le coma.»

En entrevue téléphonique, Bruno Petrucci, directeur général intérimaire de l'hôpital Santa Cabrini, signale que la démission du médecin - dont il ne dévoile pas le nom, ni à La Presse ni à la famille de la défunte patiente - a été entérinée il y a deux semaines par le conseil d'administration de l'hôpital.

M. Petrucci, qui dit ne pas se souvenir à quel moment a d'abord été présentée la démission, indique que le médecin est parti parce qu'il espérait avoir plus de temps en salle d'opération, ce que l'hôpital n'était pas en mesure de lui promettre.

Bien que la lettre envoyée à Talent Bin Hangi laisse entendre que l'hôpital s'en remet maintenant entièrement au Collège des médecins pour la suite des choses, M. Petrucci note qu'une enquête est bel et bien menée à l'hôpital même.

Le parcours de la combattante

Clinique d'urgence, clinique privée, hôpitaux: la mort de Mme Syayighosola a été précédée d'un long parcours de la combattante pour tenter d'être soulagée de saignements et de malaises qui ne la lâchaient pas.

À la mi-juin, Mme Syayighosola subit un curetage à l'Hôpital juif de Montréal, rendu nécessaire par une fausse couche. Dans les jours qui suivent, elle ne se sent pas bien. Elle retourne à l'Hôpital juif, où on la rassure sur son état. En août, la revoilà prise de saignements. Elle téléphone de nouveau à l'Hôpital juif, où elle obtient un rendez-vous pour le 29 septembre.

C'est trop loin. Incapable de prendre un rendez-vous plus tôt avec son propre médecin, elle se rend à deux reprises dans une clinique d'urgence, puis dans une clinique privée et apprend en cours de route qu'elle est enceinte. De jumeaux.

«J'ai l'impression que ma femme n'a pas eu droit non plus à un suivi adéquat de la part de son médecin à l'Hôpital juif», croit Talent Bin Hangi.

Le 26 septembre, Mme Syayighosola, au plus mal, fait venir chez elle une ambulance. Direction Santa Cabrini, où elle arrive vers 16h. Dans la matinée du 27 septembre, Mme Syayighosola meurt, laissant derrière elle son conjoint, les quatre enfants qu'ils ont eus ensemble et les deux autres qu'ils ont adoptés, une démarche que M. Talent, militant pour les droits humains dans son Congo natal, jugeait aussi importante que sa femme.

Mutisme

M. Talent s'étonne du mutisme des hôpitaux jusqu'ici. Il est quand même rare, au Québec, qu'une femme meure des suites d'une grossesse, dit-il. «J'ai d'ailleurs été étonné de l'entête de la lettre que m'a fait parvenir l'Hôpital juif. La lettre qui m'est adressée commence par «Madame»», fait-il remarquer, preuve à l'appui.

Dans la lettre, on signale aussi à M. Talent qu'«une fois l'enquête est (sic) terminée», l'hôpital communiquera de nouveau avec lui. «Nous excusons (sic) pour le délai», peut-on encore lire à propos du délai statutaire de 45 jours largement dépassé.

L'Hôpital juif n'a pas rappelé La Presse.

Une enquête du Bureau du syndic du Collège des médecins a été entreprise et vise à déterminer si le médecin - dont le nom, dans ce document, est indiqué - qui a traité Mme Syayighosola à l'hôpital Santa Cabrini a agi dans les règles.