Anthony Calvillo est devenu la semaine dernière le passeur le plus prolifique de l'histoire du football. Au-delà de l'exploit sportif, il y a le parcours d'un homme que rien ne destinait à ce sport et qui a fait mentir ses détracteurs. Pour sa ténacité et son courage, La Presse et Radio-Canada lui décernent le titre de Personnalité de la semaine.

La carrière d'Anthony Calvillo dans la Ligue canadienne de football a commencé d'une bien drôle de façon: dans le stationnement d'un casino de Las Vegas.

C'est dans ce lieu incongru qu'une petite équipe d'expansion tenait ses essais en 1994. L'équipe n'a pas fait long feu, tout comme l'aventure américaine de la LCF. Mais parmi les dizaines de jeunes qui s'étaient déplacés pour «faire l'équipe», se trouvait un petit quart arrière qui allait marquer l'histoire du football canadien.

«Pour être honnête, je ne savais pas trop ce qu'était le football canadien à ce moment-là! rigole Calvillo, rencontré jeudi dernier à la sortie d'un entraînement. Je voulais juste essayer de jouer au football.»

On lui disait qu'il était trop petit pour devenir un pro du football. Après tout, il évoluait à ce moment dans une université publique, bien loin des équipes universitaires les plus prestigieuses. Jamais il n'aurait rêvé vivre un jour du football. «À l'école, même à l'université, j'étais juste le petit Mexicain maigrichon. Il n'y avait aucune chance que ça se produise», se rappelle-t-il.

Calvillo a grandi dans une banlieue hispanophone de Los Angeles, La Puente. Son père était absent, son frère David membre d'un gang de rue. David a même passé huit ans en prison.

Pour échapper à cette vie, le «petit Mexicain maigrichon » a choisi le football. Il parviendra de peine et de misère à joindre l'équipe de l'Université d'État de l'Utah, où il devient le cinquième quart-arrière. Puis il apprend qu'une exotique nouvelle équipe se crée à Las Vegas, qu'elle doit jouer au Canada, selon des règles qu'il ne connaît pas encore, et qu'elle se cherche des joueurs.

C'est ainsi qu'il se retrouve sur ce parking de casino. «Mon objectif était seulement de me tailler une place dans l'équipe. Je ne pensais jamais devenir un joueur avec une longue carrière. Je me battais pour un job», raconte Calvillo.

À son étonnement, il a eu le job. L'équipe a joué une saison puis s'est effondrée. Les Tiger-Cats d'Hamilton ont mis le grappin sur le joueur pour n'en faire un quart substitut. Après trois saisons, ils l'ont laissé partir. Anthony Calvillo se cherchait une équipe. Puis il a reçu un appel de Montréal. Nous étions en 1998. Le petit maigrichon de La Puente allait jouer pour les Alouettes.

Passer à l'histoire

Lundi 10 octobre 2011. Au moment de faire la passe, Anthony Calvillo ignore qu'elle est celle qui le fera passer à l'histoire. Après avoir saisi le ballon, Jamel Richardson évite un plaqué et réussit le touché. Le quart-arrière de 39 ans pense surtout aux précieux points grappillés grâce à ce jeu. « Mais quand j'ai vu des gens courir sur le terrain, j'ai compris», dit-il.

Il venait de briser la marque de 72 381 verges par la passe établie par Damon Allen. Plus qu'un record statistique, l'exploit venait couronner une riche carrière à Montréal. Parmi ses exploits, il y a eu la victoire à la Coupe Grey de 2002 la première en 25 ans pour les Alouettes , puis les deux succès de 2009 et 2010. Grâce à lui, les Alouettes de Montréal ont rappris à gagner.

Mais Anthony Calvillo a aussi affronté de durs moments. Il a longtemps eu la réputation de flancher sous la pression, après quatre défaites en finale entre 2003 et 2008. Puis sa femme, Alexia, a affronté un cancer, maladie avec laquelle le joueur a ensuite aussi été aux prises.

«Quand j'ai atteint le record, tout ça est revenu me hanter: grandir dans une famille où ce n'était pas tout le temps facile, les gens qui me disaient que je n'y arriverais jamais, et puis les défaites à la Coupe Grey. À ce moment précis, je me suis senti béni. C'est quelque chose que je n'oublierai jamais.»

Quand Jamel Richardson a réussi le touché, il a envoyé le ballon dans les estrades du stade Percival-Molson. Le spectateur qui l'a capté a vite compris qu'il s'agissait d'un morceau d'histoire. Le Montréalais a donc renvoyé le ballon à Calvillo. C'était la moindre des choses. Une manière pour Montréal de lui dire «merci ».