Confronté à sa première catastrophe naturelle, le gouvernement Legault s’interroge sur le bien-fondé de maintenir des sinistrés dans des zones à risque.

Dépêchée à Beauceville, où la rivière Chaudière s’est de nouveau invitée dans le centre-ville mardi matin, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a averti que le programme d’aide annoncé par son gouvernement le 10 avril aurait des limites maximales et imposerait des choix difficiles dans les situations d’inondation à répétition.

Invoquant l’expérience des citoyens de Beauceville « qui sont inondés année après année », Mme Guilbault a été claire sur les limites du soutien de l’État : « Au fil des années, si la personne est toujours inondée et atteint un certain maximum financier (d’aide gouvernementale), on va lui dire : soit tu prends ce dernier chèque ou nous t’aidons à te relocaliser ailleurs. »

Mme Guilbault a d’ailleurs dit ressentir la frustration des citoyens.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault

« On le voit, les gens sont tannés » ici. Ça fait plusieurs fois que Beauceville est inondée. C’est toujours la même chose, les gens sont « tannés”, sont saturés de cette situation-là. Si le gouvernement peut offrir un incitatif financier, un soutien logistique pour se localiser ailleurs que dans une zone manifestement inondable, je pense que ce sera bienvenu », a-t-elle soutenu.

Un peu plus tôt, à Québec, le premier ministre François Legault avait également laissé entendre que les reconstructions en zone inondable n’étaient pas une solution viable, mais en se référant aux sinistrés de Gatineau au printemps 2017 dont le dossier en termes d’aide gouvernementale n’est toujours pas fermé.

« Il y a des cas qui ne sont pas réglés justement parce qu’on exige que des personnes se reconstruisent à l’extérieur des zones inondables. Il faut effectivement être certain qu’on ne laisse pas des gens s’établir dans des zones inondables », a dit le premier ministre en mêlée de presse à l’Assemblée nationale.

Mais une relocalisation ne serait pas chose simple dans le cas de Beauceville, où c’est le centre-ville, avec tous ses commerces, entreprises et institutions qui est inondé, et la ministre Guilbault n’avait pas de réponse claire à offrir mardi, se référant plutôt aux principes du programme d’aide annoncé.

« Il faudra voir au cas par cas. Il y a des situations individuelles, il y a la situation de citoyens particuliers, il y a les entreprises, il y a les organismes, la municipalité comme telle. Tout ça va se faire de concert avec chacune des personnes concernées, mais oui, c’est une mesure qui est contenue dans le nouveau programme et des citoyens pourront s’en prévaloir selon les paramètres », a-t-elle répondu lorsqu’interrogée sur l’hypothèse d’une relocalisation du centre-ville au complet.

Rupture soudaine de l’embâcle

Les citoyens de Beauceville ont dû faire les frais de la Chaudière, dont les débordements sont un événement quasi-annuel.

L’inondation est survenue très rapidement à bonne heure mardi matin lorsqu’un important embâcle qui s’était formé sur la rivière juste en amont du centre-ville s’est rompu, ce qui a aussitôt causé une hausse soudaine du niveau de la rivière, qui est sortie de son lit.

Quelque 230 bâtiments ont été évacués, mais seulement 36 personnes se sont retrouvées dans la même situation, l’inondation ayant atteint de nombreux commerces qui n’étaient pas occupés à ce moment.

Ce genre d’événement ne se produit toutefois pas toujours au même endroit et la suite est surveillée de près, selon le porte-parole de la Sécurité publique, Thomas Blanchet.

« L’embâcle qui s’est défait (mardi matin) s’est reformé plus en aval, en direction de Saint-Joseph-de-Beauce. La rivière demeure sous haute surveillance et nous sommes en communication avec les municipalités en aval de Beauceville pour que, lorsque cet embâcle va se défaire, on soit en mesure d’agir rapidement », a-t-il précisé.

Outre Saint-Joseph-de-Beauce, qui est la prochaine municipalité de la Chaudière à se trouver à risque, les autres municipalités en aval, notamment Vallée-Jonction, Sainte-Marie, Scott et Saint-Lambert-de-Lauzon sont également sur le qui-vive.

Ailleurs au Québec, bien que rien ne nécessite une intervention d’urgence pour le moment, les autorités signalent un embâcle sur la rivière Ristigouche en Gaspésie qui a inondé une route et isolé une dizaine de maisons qui ne sont toutefois pas inondées.

À Maskinongé, en Mauricie, une dizaine de résidences ont été inondées par la rivière du même nom.

Plusieurs autres rivières à travers la province ont été identifiées comme étant à risque en raison du temps doux qui accélère la fonte des neiges et des glaces ainsi que de la pluie attendue dans les prochains jours, et ce, dans toutes les régions, mais plus spécifiquement celles de l’Outaouais, des Laurentides, de Lanaudière, de Montréal-Laval, de la Montérégie, de l’Estrie, de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

Rivières et plans d’eau sous surveillance

-lac des Deux Montagnes

-rivière Beaurivage

-rivière Coaticook

-rivière des Mille Îles

-rivière des Outaouais

-rivière des Prairies

-rivière Famine

-rivière Jaune

-rivière Massawippi

-rivière Richelieu

-rivière Rigaud