Il y a 10 jours, les ouvriers d'un chantier de construction ont fait une stupéfiante découverte dans le Vieux-Québec. Sous la terre, dans la glaise, se trouvaient les restes de la première fortification construite à Québec pour résister précisément à l'assaut des Anglais, le rempart de Beaucours.

Les archéologues cherchaient en vain depuis des années les vestiges de ce mur construit en 1693. La palissade de bois et de terre appartient à un type unique de fortification appelé « rempart palissadé ». Il s'agit de l'unique vestige du genre connu en Amérique du Nord.

« C'est une découverte majeure pour la ville de Québec, mais aussi pour tout le Québec », s'est réjoui le premier ministre, François Legault, mardi matin lors d'une conférence de presse pour annoncer la découverte.

Ces vestiges de bois vieux de 325 ans ont été retrouvés dans un chantier de construction sur la rue St-Ursule, dans le Vieux-Québec. La fortification avait été remplacée en 1745 par les remparts actuels, faits de maçonnerie.

Le bois a été préservé par une chance inouïe. Enfoui dans la glaise, là où un vieux ruisseau coulait naguère, il a résisté au passage des années. Il s'agit notamment de thuya occidental, ou cèdre blanc, une essence de bois réputée imputrescible.

« Ça vient confirmer que nos ancêtres, ceux qui ont fondé la Nouvelle-France il y a plus de 400 ans, ont travaillé fort, dans des conditions difficiles », a lancé le premier ministre du Québec.

« On a réussi à préserver cette nation qui parle français, et je suis vraiment fier en tant que chef de la nation québécoise de m'assurer qu'on préserve ce qu'on est, qu'on préserve cette histoire », a ajouté François Legault.

Le morceau de muraille retrouvé sera extirpé de terre avant l'hiver. Le bois est gorgé d'eau, et le gel qui s'en vient pourrait lui être fatal. Il sera ensuite entreposé. Il faudra deux ans pour assécher le bois complètement. Le « rempart palissadé » sera ensuite exposé au public à un endroit qui reste à déterminer.

« La palissade était l'un des derniers mystères qui restaient dans cette ville-là », a lancé le maire, Régis Labeaume, lors de la même conférence de presse. « Mais il en reste un gros, le tombeau de Champlain! »

Se défendre des Anglais

Le rempart palissadé de Beaucours avait été érigé pour se défendre des attaques européennes, notamment celles des Anglais. Au moins une autre palissade avait été érigée avant 1693 à Québec, mais elle n'était capable de résister à l'artillerie.

En 1690, l'officier anglais William Phips arrive à Québec. Il commande 32 navires et 2000 miliciens. Il envoie un émissaire auprès du comte de Frontenac pour négocier la reddition de Québec. L'émissaire se fait bander les yeux, et les Français tentent par tous les moyens de lui faire croire que la ville est bien défendue.

« Je n'ai point de réponse à faire à votre général que par la bouche de mes canons et à coups de fusil », rétorque alors Frontenac à l'émissaire, dans sa boutade devenue célèbre.

Les Français réussiront à résister aux Anglais, cette fois-ci. Mais l'épisode marquera Frontenac.

« À partir de là, les autorités françaises réalisent qu'une invasion à l'européenne avec des navires, des troupes, est possible », raconte l'archéologue Jean-Yves Pintal, de la firme Ruralys, qui supervisait les travaux sur la rue St-Ursule.

« Une petite palissade de Provost ceinturait la ville de Québec. Mais, au bout d'un premier hiver, elle était déjà en ruine. Elle n'aurait résisté que quelques minutes aux tirs d'artillerie de l'armée britannique », dit-il.

Le mandat est donc donné à Josué Dubois Berthelot de Beaucours d'ériger une fortification plus costaude, capable de résister à l'artillerie. Le mur sera donc construit en 1693 de bois et de terre, tout autour de Québec.

« C'est un rempart palissadé, une forme d'évolution entre la palissade et les remparts fortifiés en maçonnerie, explique M. Pintal. Québec aurait été la seule ville en Amérique du Nord à avoir été munie d'un rempart palissadé. »

La fortification n'a finalement jamais reçu un seul boulet de canon. Elle a été remplacée en 1745 par un mur de maçonnerie, que l'on peut encore voir à certains endroits du Vieux-Québec. Les restes du mur de Beaucours étaient demeurés introuvables, jusqu'à aujourd'hui.