En conflit avec leur famille respective, malades et aux prises avec de graves problèmes financiers... La vie de Cathie Gauthier et de son mari, Marc Laliberté, se résume à une «longue série d'échecs» qui les ont menés «au fond du gouffre».

C'est ainsi que Marc Laliberté décrit son «histoire de vie» dans la lettre que la police a découverte à la résidence familiale, au lendemain du drame survenu le 31 décembre dernier à Chicoutimi.

 

Hier, à l'ouverture du procès de Cathie Gauthier, la Couronne a produit en preuve une série de documents datés du jour de la tragédie et signés par le couple ou seulement par M. Laliberté, dont cette «histoire de vie». La mère de famille de 35 ans est accusée du meurtre prémédité de ses trois enfants âgés de 4 à 12 ans. Elle est la seule survivante du drame qui a aussi coûté la vie à son mari.

Gaétan Ringuette, technicien en scènes de crime de la Sûreté du Québec, a lu les documents au jury. Au moment de cette lecture, assise derrière une vitre au banc des accusés, Cathie Gauthier, l'air frêle, a fondu en larmes.

Marc Laliberté, originaire du Saguenay, y raconte être issu «d'une famille très peu familiale» qui n'a jamais été là lorsqu'il aurait eu besoin d'elle. Lorsqu'il a rencontré Cathie Gauthier, il avait d'une union précédente trois enfants dont il avait perdu la garde. À l'automne 2000, tous deux logeaient dans le même hôtel de Dolbeau quand ils se sont parlé pour la première fois, «à la salle de lavage». Il décrit cette rencontre comme le plus beau moment de sa vie.

Cathie Gauthier, elle, est originaire de Chibougamau. Son père est mort avant sa naissance et sa mère, dépressive, a été hospitalisée pour recevoir des soins psychiatriques. La petite a vite été confiée à une famille adoptive. «Cathie a passé toute son enfance à se faire dire qu'elle était comme sa mère biologique et qu'elle allait finir comme elle», écrit Marc Laliberté dans sa lettre.

Au moment où le couple s'est rencontré, Cathie Gauthier avait déjà un enfant: Joëlle, 4 ans. Le Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) est intervenu, mais Mme Gauthier en a conservé la garde. Ce serait la famille adoptive de Cathie qui a dénoncé cette dernière à la DPJ, selon la lettre.

Gaspé, Amos, Chicoutimi

La famille reconstituée a brièvement vécu à Gaspé, où Cathie Gauthier a donné naissance à Marc-Ange, pour ensuite déménager à Amos. Ils y vivront pendant six ans. À l'automne 2003, alors que sa femme est enceinte du petit dernier, Louis-Philippe, M. Laliberté fait un infarctus. Un an plus tôt, il avait perdu son emploi. Le couple n'a pas d'assurance. «C'est là que tous nos problèmes financiers débutent», écrit-il.

En 2005, la mère de famille reçoit le diagnostic de fibromyalgie chronique. Deux ans plus tard, toujours à Amos, Cathie Gauthier aurait été agressée sexuellement par l'un de ses voisins. Elle ne portera pas plainte. Le couple décide alors de déménager encore, cette fois à Chicoutimi. M. Laliberté perd un autre emploi en juin 2008. Le couple a trop de dettes et doit déclarer faillite.

En décembre 2008, le couple n'a plus d'argent pour payer le loyer du bungalow de la rue Portage. «Après de longues heures de soucis et de nuits blanches», il décide de faire un pacte de suicide. M. Laliberté est visiblement en colère contre son propriétaire, qui les menace de les «mettre à la rue en plein hiver», indique-t-il dans une autre lettre adressée à ce propriétaire.

Parmi les documents saisis par la police, il y a aussi un testament dans lequel il lègue les dettes du couple et les frais funéraires aux parents adoptifs de Cathie Gauthier. Marc Laliberté y voit un juste retour des choses puisque cette famille n'a «jamais vraiment aidé» Cathie. Le couple exige aussi que les cendres de tous les membres de la famille soient mises dans la même urne «pour ne jamais être séparés». «Nous sommes partis d'un commun accord, dans l'amour», écrit le défunt père de famille. Ces documents avaient été placés bien en vue dans une chemise beige, dans la salle à manger, selon la police.

Le témoignage du technicien en scène de crime de la Sûreté du Québec, Gaétan Ringuette, se poursuit aujourd'hui. La Couronne compte faire entendre une vingtaine de témoins.