Wendy Villanueva n'était pas dans le parc de l'arrondissement Montréal-Nord le jour où son frère cadet est tombé sous les balles d'un policier, mais un an plus tard, le drame pèse toujours pour elle et sa famille.

Depuis que Fredy Villanueva, âgé de 18 ans, a été tué le 9 août 2008, une bonne part de la vie de ses proches a été interrompue.

Les membres du clan Villanueva ont notamment mis de côté leur rêve d'ouvrir un atelier de réparation de voiture - un projet dans lequel Fredy aurait joué un rôle de premier plan. «Nous sommes vraiment détruits, nous sommes vraiment brisés en mille morceaux», a laissé tomber Wendy Villanueva, cette semaine, les yeux plein d'eau.

«Ils ont pris la vie de mon frère, c'était le bébé de la famille. On ne peut pas trouver la paix à cause de cela», a affirmé la jeune femme de 26 ans, à quelques mètres du lieu où son frère a perdu la vie un an plus tôt, presque jour pour jour.

Au lendemain de la mort de Fredy Villanueva, des centaines de personnes avaient pris d'assaut les rues de Montréal-Nord, lors d'une manifestation qui a dégénéré une fois la nuit tombée.

Certains manifestants ont incendié des voitures qui se trouvaient dans le stationnement de la caserne de pompiers du quartier, pillé des magasins et lancé des projectiles en direction de la police. Un agent avait été blessé à la jambe.

Les procureurs ont depuis conclu que les agents Jean-Loup Lapointe, qui a abattu Villanueva, et Stéphanie Pilotte avaient agi avec une force justifiée lorsqu'ils ont ouvert le feu en direction des jeunes, qui n'étaient pas armés. Outre Villanueva, deux autres jeunes hommes ont été blessés. Les deux policiers n'ont fait face à aucune accusation criminelle.

L'agent Lapointe a insisté pour dire qu'il avait appuyé sur la détente pour se protéger et pour protéger sa collègue, après qu'ils eurent été attaqués en tentant d'arrêter le frère aîné de Fredy Villanueva, Dany.

Au mois de mai, l'enquête du coroner avait été suspendue indéfiniment lorsque le juge a émis des doutes quant à l'objectivité des audiences, après que plusieurs témoins clés eurent fait savoir qu'ils n'y participeraient pas. La famille Villanueva et ses supporteurs avaient indiqué qu'ils ne prendraient pas part à l'enquête si le gouvernement n'élargissait pas son mandat pour en faire une enquête publique, et si leurs frais d'avocats n'étaient pas entièrement payés.

Une entente a finalement été conclue à la mi-juillet, et l'enquête du coroner devrait reprendre à l'automne.

Mais à l'approche de l'anniversaire du tragique incident, les résidants de l'arrondissement du nord-est de Montréal affirment que les tensions entre les jeunes et la police demeurent vives, malgré les efforts des groupes communautaires.

Au mois de juin, des dizaines de jeunes ont lancé des pierres et des bouteilles en direction de policiers, dans le même parc où Villanueva avait perdu la vie. En s'enfuyant dans les rues, certains jeunes ont par la suite cassé des vitres et ont affronté des policiers anti-émeute.

«Il y a toujours un froid entre les jeunes et le service de police», a souligné Will Prosper, du regroupement Montréal-Nord Républik. «Je crois que le fossé qui a été créé l'an dernier est énorme. Ce n'est pas quelque chose qui peut être réglé en quelques mois.»

M. Prosper a fait valoir que les organismes communautaires ne devraient pas s'en remettre à la police pour qu'elle trouve les solutions. Les résidants doivent plutôt travailler ensemble pour produire leurs propres résultats, a-t-il soutenu, tout en reconnaissant que ce n'était pas tâche facile dans un quartier défavorisé.

«N'importe où il y a beaucoup de pauvreté, beaucoup de problèmes économiques, il y aura des tensions sociales», a-t-il avoué.

Aux côtés de la famille Villanueva, sa coalition a organisé «Hoodstock», un événement de deux jours qui marque en fin de semaine le premier anniversaire de la mort du jeune homme. L'arrondissement devait être le théâtre d'un concert gratuit ce samedi, et d'une marche familiale dimanche.

Et Will Prosper ne craint pas de débordement, même s'il prédit que les émotions seront probablement à fleur de peau. «Ce qui est arrivé à Fredy, de nombreuses personnes ne veulent pas que ça se reproduise.»

Les résidants et les commerçants se sont toutefois montrés plus inquiets à l'approche de la fin de semaine. Jean, qui n'a pas voulu dévoiler son nom de famille, s'est dit certain que la manifestation de dimanche sera plus violente que prévu. Il habite le quartier depuis trois ans et affirme, sans équivoque, qu'il quitterait Montréal-Nord.

«Ce n'est pas une question d'avoir peur, c'est une question de criminalité. Car on ne sait jamais ce qui peut arriver», a-t-il expliqué.

Wendy Villanueva, elle, a lancé un appel au calme.

Elle espère aussi que sa famille obtiendra les réponses qu'il lui manque, afin de pouvoir aller de l'avant.