Gordon Kugler, associé principal du bureau d'avocats bien connu Kugler Kandestin, vient de s'adresser à la Cour supérieure dans l'espoir de forcer Postes Canada à lui livrer son courrier personnel à la maison, comme avant. L'objet du litige est la fente de sa boîte aux lettres, devenue soudainement obsolète.

Dans une demande d'injonction déposée cette semaine au palais de justice de Montréal, Me Kugler raconte que Postes Canada a cessé de lui livrer son courrier à son domicile de Côte-Saint-Luc en janvier dernier, après l'avoir avisé que la fente pratiquée dans sa porte d'entrée était non conforme. La norme de Postes Canada exige une fente d'au moins 17,5 cm sur 4.

 

M. Kugler en a été fort étonné, car la fente en question a avalé vaillamment le courrier pendant une vingtaine d'années sans jamais s'attirer le courroux de Postes Canada. Le seul changement, a-t-il expliqué, est qu'il a dû changer sa porte d'entrée en décembre 2008, car le bois était abîmé. La fente avait retrouvé sa place sur la nouvelle porte, a-t-il expliqué au superviseur du district de Postes Canada. Et voilà le problème, lui aurait rétorqué le superviseur. En changeant de porte, la fente aurait perdu son «droit acquis».

Une fente «thermale»

M. Kugler tenait à sa fente. Une fente «thermale», qui empêche l'air froid d'entrer, fait-il remarquer dans les documents déposés au palais de justice. Ne voulant pas faire de vagues, il affirme avoir cherché à s'en procurer une du même type qui satisferait aussi le facteur. Peine perdue. Ce genre de boîte aux lettres ne se fait pas en plus grand format, s'est-il fait dire par le fabricant de sa porte, celui de la boîte aux lettres et les employés de centres de rénovation.

Il a fait part de ses désolantes recherches au superviseur, qui serait resté inflexible. Au point de vue légal, Me Kugler pense qu'il a le droit de conserver sa boîte aux lettres. Il s'est adressé au contentieux de Postes Canada. En mars, il a envoyé une mise en demeure, qui est de toute évidence restée lettre morte. Cette semaine, il a demandé une injonction pour forcer Postes Canada à lui livrer son courrier. Jugeant qu'il n'y avait pas d'urgence, la Cour supérieure a refusé d'accorder une injonction provisoire. Reste à entendre l'affaire sur le fond; elle doit revenir devant la Cour le 15 mai.

Pas de «droit acquis» ?

Me Kugler a refusé de discuter du litige avec La Presse. La porte-parole de Postes Canada, Christiane Ouimet, pense de son côté qu'il y a un malentendu, car il n'y a pas de «droit acquis» pour une fente de boîte aux lettres. À sa connaissance, ce genre de litige est rare, d'autant plus que ce type de boîte aux lettres est désuet. «On n'en voit qu'à Montréal. En tout cas, c'est la première fois que ça va aussi loin», a-t-elle dit.