Au terme d'un procès fort médiatisé, le célèbre Guy Lafleur a été reconnu coupable, hier, d'avoir fait des témoignages contradictoires lors d'audiences pour l'enquête de mise en liberté de son fils Mark, en septembre et octobre 2007. L'étoile du hockey, qui a agi ainsi pour aider son fils à sortir de prison, connaîtra sa peine le 18 juin.

Le juge Claude Parent n'a pas cru Guy Lafleur quand celui-ci a affirmé qu'il n'avait pas pensé à mentionner que son fils Mark était allé coucher deux fins de semaine à l'hôtel, plutôt qu'à la maison familiale, comme il devait le faire pour respecter ses conditions. Le magistrat est convaincu que M. Lafleur a agi en toute connaissance de cause, pour tromper la Cour. Les paroles de Guy Lafleur parlent d'elles-mêmes, conclut en quelque sorte le magistrat. «L'analyse des réponses données par l'accusé tant au juge Sansfaçon que devant moi démontre de façon non équivoque que l'accusé a menti lors de son témoignage du 19 septembre en évitant de mentionner les nuits que son fils avait passées à l'hôtel. Compte tenu de la précision des questions posées, l'accusé ne peut prétendre que ça ne lui est pas venu à l'esprit... Malgré des questions claires, les réponses de l'accusé sont loin d'être limpides.»Les faits se sont produits en septembre 2007. À cause de son comportement réfractaire et des bris de conditions, Mark Lafleur venait de se faire expulser du centre l'Exode, une ressource en réinsertion sociale. Il était donc retourné en prison et essayait d'en sortir. Le 19 septembre, jour de l'enquête sur sa mise en liberté, Guy Lafleur est venu témoigner devant le juge Robert Sansfaçon, pour dire qu'il était prêt à prendre son fils sous son aile, s'il était libéré. Du même coup, il assurait que son fils s'était amélioré et qu'il avait toujours respecté ses conditions et son couvre-feu, lorsqu'il venait passer des fins de semaine à la maison. Environ trois semaines plus tard, la policière Josée Gagnon a appris que Mark Lafleur était allé à l'hôtel les 10 et 11 août avec sa nouvelle copine, et elle a réussi à obtenir les factures du Holiday Inn de Pointe-Claire le démontrant. Le matin du 15 octobre 2007, Guy Lafleur a été informé de ce fait, juste avant une requête en révision de cautionnement pour son fils Mark, en Cour supérieure. Devant la juge Carol Cohen, Guy Lafleur a alors admis avoir conduit son fils Mark à l'hôtel à quatre reprises, au cours de deux fins de semaine pendant l'été, pour qu'il puisse passer du temps en privé avec sa copine. Pourquoi sortir ce lapin de son chapeau à ce moment précis?

«Bien, pour moi, premièrement, c'est parce que vous avez la preuve qu'il est allé à l'hôtel. Ça, c'est la première des choses. Puis, je n'ai rien à cacher là-dessus», avait dit Guy Lafleur.

Lors de son procès devant le juge Parent, Guy Lafleur a fait valoir qu'il s'était mal exprimé ce jour-là. «Le tribunal croit plutôt que l'accusé a enfin donné des réponses claires à des questions claires», a indiqué le juge Parent, hier.

Sursis ou amende

Hier, lors des plaidoiries sur la peine à imposer à Guy Lafleur, la procureure de la Couronne, Lori Weitzman, a reconnu que le dossier de Guy Lafleur comporte des aspects sympathiques, puisque c'est un père qui a voulu aider son fils. Mais elle soutient que malgré le passé sans tache de M. Lafleur, la sentence doit refléter la gravité du crime, et le dénoncer suffisamment. C'est M. Lafleur que l'on juge, ce n'est pas l'icône, a-t-elle dit. Elle réclame une peine de prison avec sursis, mais elle n'a pas précisé la durée. Forcément, il faut que ce soit une peine de moins de deux ans.

Me Jean-Pierre Rancourt, avocat de M. Lafleur, trouve cette demande «exagérée». Il estime que la gravité de l'infraction se situe au bas de l'échelle. «Il n'a rien fait pour gagner quelque chose pour lui... Un expert qui se parjurerait dans une cause parce qu'il est payé, ce serait beaucoup plus grave», a lancé Me Rancourt, faisant ainsi allusion au psychiatre Louis Morissette, qui a reconnu avoir menti cette semaine dans un procès pour meurtre. Pour Me Rancourt, M. Lafleur a déjà eu sa sentence avec la médiatisation de cette affaire, et par le fait qu'il ne pourra pas voyager aux États-Unis, à moins d'obtenir une permission spéciale. Et ça peut prendre un bon bout de temps avant de l'obtenir. Me Rancourt estime qu'une amende serait amplement suffisante. Guy Lafleur a accueilli le jugement avec stoïcisme et il n'a fait aucun commentaire en sortant.

Selon Me Rancourt, la condamnation de Guy Lafleur ne remet pas en question la poursuite civile de 3,5 millions qu'il a intentée contre le Procureur général du Québec et le service de police pour arrestation abusive.

Signalons enfin que la nouvelle de la condamnation de Guy Lafleur s'est répandue comme une traînée de poudre, hier, partout au Canada et aux États-Unis. CNN et le New York Times, notamment, en faisaient mention sur leurs sites internet.