Des voitures de patrouille et un ruban orange barraient l'accès à la maison blanche. Les gyrophares détonnaient dans le paysage de la rue Beaulne, à Piedmont, une artère sinueuse qui traverse un boisé. C'est dans ce quartier résidentiel paisible, où tombaient de fins flocons, hier, qu'une dispute conjugale a connu son terrible dénouement.

La Sûreté du Québec soupçonne qu'Olivier Turcotte, 5 ans, et sa petite soeur Anne-Sophie, 3 ans, ont été assassinés par leur père samedi matin.

«Ça a toutes les allures d'une situation comme celle-là», a convenu la porte-parole de la SQ, Ann Mathieu.

Tout a commencé en matinée, lorsqu'un proche de la famille a contacté la police. Il était inquiet : le père des deux enfants ne s'était pas présenté à un rendez-vous.

À leur arrivée sur les lieux, les agents ont découvert les corps des deux bambins. Ils ont également trouvé le père, qui avait ingéré une forte dose de médicaments. La scène était si macabre que même les policiers ont été secoués, a confié le maire de Piedmont, Clément Cardin, après avoir parlé à certains agents.

«Pour quiconque a des enfants, imaginez : 3 ans et 5 ans. Ça vous amène les larmes aux yeux», a-t-il dit.

Le suspect a été transporté à l'hôpital de Saint-Jérôme, puis transféré dans un hôpital de Montréal. Il était toujours soigné en garde à vue, dimanche soir, au moment de mettre sous presse. Les enquêteurs attendent qu'il soit rétabli avant de l'interroger. Ils pratiqueront aussi une autopsie pour déterminer la cause exacte du décès des enfants.

Le maire Cardin affirme que le père a déjà eu des tendances suicidaires. Selon différentes sources, son couple battait de l'aile. TVA rapporte que les policiers ont découvert chez lui un document informatique qui annonçait son geste.

Un cardiologue bien connu

Le père est un cardiologue du Centre hospitalier de Saint-Jérôme. L'an dernier, ce spécialiste a mis sur pied une clinique d'insuffisance cardiaque. Son épouse pratique comme urgentologue dans le même établissement.

La direction de l'hôpital a confirmé que deux de ses médecins sont les parents des petites victimes. Le directeur général, François Therrien, affirme que le père s'est rendu au travail pas plus tard que vendredi. Et rien ne laissait présager les terribles événements qui ont suivi.

Ce n'est qu'après le drame, en consultant les proches du médecin, que le directeur a appris l'existence de ses problèmes de couple.

«Il n'y avait aucun, aucun signe avant-coureur, a souligné M. Therrien. Le médecin a fait preuve d'un professionnalisme qui était sa marque de commerce.»

L'aile de cardiologie, où le père pratiquait, était pratiquement déserte, dimanche. Un jeune médecin rencontré dans les corridors a refusé de commenter l'affaire. Une réceptionniste, visiblement embarrassée, a dit ne pas connaître le médecin.

Les rares employés de l'hôpital qui ont accepté de commenter ont dépeint le cardiologue comme un médecin exemplaire. Et ils n'avaient que de bons mots pour sa conjointe. Voilà pourquoi la tragédie a envoyé une onde de choc dans l'établissement.

«C'est très tendu, a confié une employée qui a refusé de s'identifier. Ça a été une journée d'enfer.»

Nouveaux dans le quartier

La petite famille était peu connue dans le voisinage. Elle louait la maison de la rue Beaulne depuis moins de deux mois. Même si les enfants Turcotte et leurs parents étaient peu connus dans le quartier, plusieurs voisins interrogés dimanche se sont dits secoués par le drame.

Claude Legault avait eu un sombre pressentiment, samedi, lorsqu'il a quitté son domicile pour rendre visite à des amis. Comme plusieurs voisins, il avait vu des dizaines de policiers converger vers la maison blanche.

«Ça surprend tout le monde, a-t-il confié. On ne peut pas juger, c'est sûrement quelqu'un qui était en détresse.»

Quelques portes plus loin, Dominic Teoli a eu la lourde tâche d'expliquer l'ampleur du drame à ses garçons Gabriel et Louis-Jacob. Les enfants ont presque le même âge que les jeunes victimes. Même si les enfants n'étaient pas amis, ils avaient souvent aperçu les petits Turcotte dans le quartier.

«Tu essaies d'éviter de leur expliquer, mais ils posent beaucoup de questions», a admis M. Teoli.